Cette fois, les Philadelphia Eagles, vainqueurs du Super Bowl en février, devraient se rendre à la Maison Blanche. « Je sais qu’il y a eu beaucoup de “fake news” à propos d’une invitation qui n’aurait pas été envoyée ou qui aurait été envoyée. Nous voulons rectifier les faits. Nous avons envoyé une invitation, qu’ils ont acceptée avec enthousiasme, et vous les verrez ici le 28 avril », a déclaré la porte-parole de Donald Trump, Karoline Leavitt, dans la soirée du mardi 11 mars. Une information confirmée par l’un des représentants de la franchise pennsylvanienne de football américain.
Depuis les années Reagan (1981-1989), la tradition outre-Atlantique veut que les équipes sacrées dans des compétitions majeures célèbrent leur titre dans le cadre d’une rencontre avec le président des Etats-Unis, à Washington. Cependant, lors du premier passage du chef de file du mouvement MAGA (Make America great again, « rendre sa grandeur à l’Amérique ») dans le bureau Ovale, plusieurs d’entre elles avaient dérogé à la règle : la sélection féminine de football lauréate de la Coupe du monde 2019, les différents champions NBA entre 2017 et 2020… et les Philadelphia Eagles, après leur succès lors du Super Bowl, en février 2018.
A l’époque, une majorité de ses joueurs avaient décidé de se faire porter pâle, provoquant l’ire de Donald Trump. Dénonçant un manque de patriotisme, celui-ci avait annulé son invitation. Le contexte ? Une épreuve de force autour de l’hymne national, alors que, dans le sillage du joueur des San Francisco 49ers, Colin Kaepernick, plusieurs athlètes américains avaient refusé de se lever lors du Star-Spangled Banner (la bannière étoilée) en signe de protestation contre le racisme et les violences policières.
Au cours du premier mandat du magnat de l’immobilier (2017-2021), de nombreuses personnalités du milieu du sport avaient publiquement pris la parole pour dénoncer sa politique. « Le président est méprisant vis-à-vis d’une partie de la société (…) De moi, des gens comme moi. Des gens de couleur. Le chef de l’Etat a pour mission de prendre soin de tout le monde », avait, entre autres, fait valoir Megan Rapinoe, ouvertement lesbienne et très engagée dans la cause LGBTQ+.
« L’énorme pouvoir des athlètes »
Depuis son retour à la tête de l’Etat fédéral, le 20 janvier, Donald Trump a ordonné la fin des programmes de diversité, d’équité et d’inclusion à tous les niveaux de la société américaine, multiplié les attaques contre les personnes transgenres, vilipendé les immigrés, commencé à démanteler les agences fédérales… Mais là, aucune réaction ou presque.
Il y a bien eu l’ancien footballeur américain Chris Kluwe, arrêté quelques heures, à la fin de février, en Californie, après une réunion du conseil municipal d’Huntington Beach pour avoir protesté contre l’installation d’une plaque acrostiche sur la devanture de la bibliothèque centrale de la ville. « Magical, Alluring, Galvanizing and Adventurous » (« magique, séduisant, galvanisant et aventureux »), en référence à MAGA, l’acronyme du mouvement du 47e président des Etats-Unis. Un mouvement « corrompu, indubitablement antidémocratique » et « explicitement nazi », avait déclaré le quadragénaire sur l’estrade.
Le sélectionneur américain de l’équipe masculine de football du Canada, Jesse Marsch, a, quant à lui, déploré la « rhétorique ridicule » du dirigeant qui présente à l’envi, ces dernières semaines, son voisin comme « le 51e Etat » du pays. « J’ai honte de l’arrogance et du mépris que nous avons affichés à l’égard de l’un de nos alliés historiques », a lancé le coach, regrettant le « climat polarisé, irrespectueux et désormais souvent haineux qui existe aux Etats-Unis ».
Interrogé par l’ex-pivot des Washington Wizards Etan Thomas pour le quotidien britannique The Guardian, au début de mars, Mahmoud Abdul-Rauf, ancienne figure de la NBA dans les années 1990, qui s’était illustré à l’époque par son refus d’écouter l’hymne national face au drapeau américain avant chaque match, insiste pourtant sur l’« énorme pouvoir des athlètes ». Dans le contexte actuel, plaide-t-il, il est « obligatoire » que ces derniers n’hésitent pas à s’élever contre les actions de Donald Trump et de son administration – « L’enjeu est trop important. » Toutefois, reconnaît-il, trop de gens, de tous les milieux, redoutent les conséquences d’une telle prise de position. Et de conclure : « Ils nous tiennent par la peur. »