La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a présenté jeudi un plan visant à la fois à protéger les glaciers et à prémunir les populations contre les dangers qu’ils peuvent présenter.
Car ces géants de glace sont particulièrement impactés par le changement climatique.
Et leur fonte peut provoquer la création de lacs ou de poches d’eau souterraines qui peuvent se rompre brutalement.
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Protéger et se protéger des glaciers. En déplacement à Chamonix, en Haute-Savoie, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a détaillé la politique du gouvernement pour sauvegarder ces géants et leurs écosystèmes, mais également anticiper les dangers que leur fonte peut faire peser sur les populations. Des mesures prises dans le cadre du Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) (nouvelle fenêtre) qui vise à préparer la France à vivre sous +4°C.
L’enjeu est important. Les massifs des Alpes et des Pyrénées sont particulièrement vulnérables au changement climatique, avec des températures qui y ont déjà augmenté de 2°C au 20ᵉ siècle, contre +1,4°C dans le reste de la France. Concernant les glaciers, leur réchauffement est même estimé à +3°C. Selon les scientifiques, ces géants ont ainsi perdu 25% de leur superficie en un-demi siècle et pourraient disparaître d’ici 2100 (nouvelle fenêtre).
Le Taconnaz : un glacier froid qui se réchauffe
Une fonte des glaces qui n’est pas sans conséquences pour les populations qui vivent à proximité de ces géants menacés, notamment en raison de « la création de lacs et de poches d’eau souterraines qui peuvent se rompre brutalement et se déverser dans la vallée », a détaillé Agnès Pannier-Runacher. « Les glaciers que l’on surveille sont principalement dans les Alpes, détaille pour TF1info Ludovic Ravanel, glaciologue et chercheur au CNRS. Car dans les Pyrénées, il ne reste plus grand-chose (nouvelle fenêtre). Mais c’est une liste qui évolue d’une année sur l’autre. Une année, des glaciers peuvent inquiéter, puis l’année suivante, si l’on parle de lacs glaciaires, ces derniers ne sont plus problématiques, c’est très évolutif ».
Certains sont toutefois jugés particulièrement sensibles. C’est le cas du glacier de Taconnaz, dans la vallée de Chamonix, en Haute-Savoie. « C’est un glacier très large qui domine un grand couloir d’avalanche qui arrive jusque dans la vallée », détaille Ludovic Ravanel. Le site est particulièrement sensible en cas de déstabilisation. « Ce glacier est un aujourd’hui froid, détaille de son côté Olivier Gagliardini, chercheur à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE). Et on observe qu’il se réchauffe et que d’ici 20 à 30 ans, il pourrait être déstabilisé. Toute la question est de savoir comment ? Et jusqu’à quelle taille pourraient faire les blocs de glace qui vont se détacher ? Il faut anticiper ce risque pour les populations en contrebas ».
Les Bossons : un glacier qui recule
Le glacier des Bossons, toujours dans la vallée de Chamonix, est également sous surveillance. Une alerte a été lancée, l’année dernière, pour ce site. « Le lac situé légèrement en rive droite au front du glacier des Bossons a été vidangé. Il se développait depuis 2918/2019 (nouvelle fenêtre) et l’an dernier, compte tenu de son volume et du risque qu’il posait, il a été vidangé artificiellement », explique Ludovic Ravanel. Une opération qui semble avoir porté ses fruits, aujourd’hui le lac semble ne pas se reformer.
Mais le géant pose un autre problème : son recul le déstabilise. « On a un souci sur le front du glacier. Il est bien calé aujourd’hui sur des pentes pas trop raides, mais dans quelques années, avec la fonte, il va se retrouver sur des pentes plus importantes, avec un risque d’effondrement de la partie inférieure du glacier. On essaie d’anticiper le danger que cela peut représenter sur la vallée », explique Olivier Gagliardini.
Tignes : le danger du glacier de Rosolin
Le problème de lac glaciaire des Bossons se retrouve également sur le glacier de Rosolin, à Tignes, « mais en plus gros », explique le scientifique de l’IGE. « On a un lac qui est bloqué par un barrage glaciaire. Le risque, c’est que de l’eau s’immisce entre le glacier et le socle rocheux et emmène l’eau vers la commune de Val-Clarée en dessous. Si l’eau trouve son chemin sous le glacier, cela peut provoquer une situation similaire à celle des Deux Alpes en 2018, où un lac s’était formé et s’est vidangé en quelques heures, entraînant d’importantes laves torrentielles. Heureusement, ce secteur était totalement sauvage », raconte Olivier Gagliardini.
Tête-Rousse et Bonne Pierre : des catastrophes marquantes
Le glacier de Tête-Rousse est également toujours attentivement suivi par les scientifiques, alors qu’en 1892 il avait déversé des milliers de mètres cubes sur le village de Saint-Gervais (nouvelle fenêtre). « Nous avons toujours un problème d’eau à l’intérieur du glacier », détaille Olivier Gagliardini. Une situation due à sa composition particulière : un front froid et un haut tempéré qui provoque un écoulement d’eau dans la petite étendue de glace située à plus de 3000 mètres d’altitude.
Glacier connu pour la catastrophe provoquée en juin dernier, celui de Bonne Pierre est aussi fortement surveillée. Au printemps, sous l’effet combiné de fortes pluies sur le manteau neigeux et de la vidange d’un lac caché de près de 100.000 m³ sous le glacier, d’importantes quantités d’eau ont ravagé la vallée, dévastant le hameau de la Bérarde (nouvelle fenêtre).
« Les glaciers subissent de plein fouet le changement climatique (nouvelle fenêtre), avec de grandes quantités d’eau qui peuvent être stockées dans ces étendues de glace. Si l’eau est retenue dans des proches à l’intérieur du glacier, elles sont très difficiles à observer, on ne les voit pas à la surface ou par des observations par satellites », explique Olivier Gagliardini. « On a désormais des glaciers au-dessus de 4000 mètres d’altitude qui connaissent des fontes qu’ils n’avaient jamais connues auparavant, et toute cette eau se retrouve bloquée à l’intérieur du glacier si celui-ci est froid, elle s’accumule dans des crevasses et comme l’eau est plus lourde que la glace, elle finit par exercer des forces qui font que la glace, à un moment, ne résiste plus. C’est sûrement ce qu’il s’est passé lors de la catastrophe de la Marmolada (nouvelle fenêtre) en Italie », explique encore le scientifique.
Un plan d’action efficace
« Le problème, c’est que nous sommes dans une phase transitoire où les glaciers sont brutalisés avec des hausses de températures sans précédent pour ces écosystèmes », souligne Olivier Gagliardini. Avec un danger : ne pas arriver à anticiper la formation rapide de certains lacs glaciaires ou poches d’eau. « Les poches d’eau qui posent véritablement problèmes sont celles qui ne sont pas forcément perceptibles avant qu’elles ne se forment », résume Ludovic Ravanel.
Dans les prochaines dizaines années, on estime que jusqu’à 80 lacs glaciaires pourraient se former dans les Alpes, tous ne menaçant pas les populations. C’est le cas notamment sous la Mer de Glace et le glacier d’Argentière, vers Chamonix qui pourraient voir apparaître « des cuvettes qui vont pouvoir produire des lacs parfois très importants », décrit Ludovic Ravanel. Des poches d’eau qui bénéficient toutefois d’une surveillance importante en France. « Nous avons la chance d’avoir un plan d’action sur les risques glaciaires qui s’est mis en route et qui fonctionne », rassure ainsi Olivier Gagliardini.