Exposition
Créée en 2003, ouverte au public depuis 2007 à Paris, la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, renommée en 2014 Musée national de l’histoire de l’immigration, acquiert des travaux d’artistes vivants depuis 2005. Son premier achat fut la vidéo Mother Tongue, de l’artiste franco-algérienne Zineb Sedira. Depuis, ce fonds s’est développé, comme, en parallèle, les deux autres constitutifs du musée, nommés « Histoire » et « Témoignages et société ».
L’exposition « Chaque vie est une histoire » n’est pas un inventaire de ces enrichissements, bien trop nombreux pour que les salles du Palais de la Porte-Dorée puissent les montrer tous, mais un choix opéré par les conservatrices responsables de ces fonds, Emilie Gandon, Elisabeth Jolys-Shimells et Isabelle Renard. Pour le déterminer, elles ont travaillé en dialogue avec la romancière d’origine mauricienne Nathacha Appanah, autrice de Tropique de la violence (Gallimard, 2016), récit de la vie de Moïse, enfant comorien que sa mère a abandonné à Mayotte. L’exposition s’est faite en puisant dans les collections, et en mettant en relation les œuvres entre elles et ces mêmes œuvres avec des éléments documentaires.
Sentiment de séparation
Voilà pour la définition technique de « Chaque vie est une histoire ». Mais on peut en donner une autre : un montage remarquablement construit et cohérent, en dépit de la grande variété des éléments qui le constituent. Les œuvres et les documents sont en effet de natures matérielles diverses : peintures, vidéos, photos, installations, lettres, affiches, journaux, etc. Cette diversité peut devenir, visuellement, une difficulté insoluble. De surcroît, ils renvoient à des lieux, des époques et des désastres aussi divers, de la guerre du Rif, conduite dans les années 1920 par l’Espagne et la France pour assurer leur pouvoir colonial sur le Maroc, aux persécutions antisémites avant et pendant la seconde guerre mondiale, et jusqu’à aujourd’hui : aux mouvements migratoires du Sud vers le Nord, aux traversées mortelles de la Méditerranée et de la Manche, aux demandeurs d’asile, et aux politiques de rétention et d’expulsion des pays européens.
Se saisir de tant de sujets et réunir en quelques salles plus de 200 objets était donc difficile. Or, ici, l’artistique et l’historique se répondent et s’expliquent de façon continue, sans qu’il soit besoin de longs textes sur les murs. Le dispositif fonctionne par le seul effet des proximités établies par l’accrochage. Exemple : sur un mur, un quadriptyque de Djamel Tatah de 2008, quatre fois le même adolescent debout devant un fond sombre, presque noir, les mains dans les poches, les yeux au sol. Quatre allégories de la mélancolie, de l’ennui, de la solitude.
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