« Dès que Synchrone n’est pas confiant en la capacité des consultants à retrouver une mission, ils essaient de bâtir un dossier pour les licencier, décrit un commercial récemment licencié de cette entreprise de services du numérique. On les fait venir au bureau pour ne rien faire, on leur propose des missions inadaptées à leurs compétences ou loin de leur domicile. »
« C’est une fraude au licenciement économique, estime l’avocate Julie Sandor, qui représente, au nom du syndicat Force ouvrière (FO), une dizaine de salariés récemment licenciés par cette société. Les personnes sont à chaque fois licenciées pour faute simple, pour des motifs ahurissants, et en réalité dérisoires. » Des procédures ont été ouvertes aux prud’hommes pour contester ces licenciements.
Les consultants en question sont des cadres techniques, prestataires de services, qui effectuent pour des clients des missions allant de quelques mois à plusieurs années. Le recours croissant à l’externalisation a entraîné une très forte hausse de l’emploi dans les entreprises de services du numérique. « C’est un secteur où l’on ne reste pas longtemps, décrit Yannick Fondeur, chercheur au Conservatoire national des arts et métiers. Le turnover est fréquemment de 25 %, un quart de l’effectif n’est pas le même d’une année sur l’autre. »
Salariés en intercontrat, une cible prioritaire
Les démissions sont la cause majoritaire de départ − les consultants, souvent jeunes diplômés, se font parfois recruter par leurs clients −, mais les périodes de crise voient la part de ruptures conventionnelles et de licenciements augmenter. « Les pratiques abusives existent depuis vingt ans, et reviennent à chaque ralentissement : comme une entreprise de services du numérique embauche une main-d’œuvre à flux tendu, si derrière une mission elle n’en a pas de nouvelle, elle peut vouloir se débarrasser de la personne », explique M. Fondeur.
Or, la conjoncture est mauvaise : « Depuis quelques mois, la frénésie que l’on a connue sur le marché du recrutement s’est largement tarie. Comme les départs restent fréquents, l’effectif baisse naturellement », décrit Charles Mauclair, président du collège des entreprises de services du numérique et de l’ingénierie et le conseil en technologies de l’organisation Numeum. Alors que Synchrone a gagné 195 salariés en 2022, elle en a perdu près de 80 en 2024, pour un effectif de 1 500 salariés. Le nombre de licenciements a presque quadruplé entre 2022 et 2024.
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