Une souche du choléra résistante à dix antibiotiques a été identifiée pour la première fois au Yémen lors de l’épidémie survenue en 2018-2019.
Des scientifiques ont pu retracer la dissémination de cette souche, depuis le Yémen, grâce à l’étude des génomes bactériens.
L’étude de plusieurs chercheurs est publiée dans le « New England Journal of Medicine ».
La bonne nouvelle a été communiquée le 7 octobre dernier par l’Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte et par Santé publique France. L’épidémie de choléra qui a touché Mayotte depuis le mois de mars est « terminée », a annoncé l’ARS de ce territoire ultramarin. L’évolution de cette maladie transmise par l’eau ou les aliments contaminés, qui a causé au moins cinq morts dans ce département français situé au large de la côte sud-est de l’Afrique, reste toutefois « sous surveillance ».
Une étude publiée ce jeudi dans le New England Journal of Medicine pourrait également relancer les inquiétudes quant à cette maladie diarrhéique épidémique due à certaines bactéries de l’espèce Vibrio cholerae. Des chercheurs du Centre national de référence (CNR) des Vibrions et du choléra à l’Institut Pasteur, en collaboration avec le Centre hospitalier de Mayotte, ont mis en évidence la diffusion, depuis le Yémen, d’une souche hautement résistante aux antibiotiques de l’agent du choléra. Plus précisément, cette souche est résistante à dix antibiotiques, dont deux des trois recommandés pour le traitement du choléra, l’azithromycine et la ciprofloxacine, explique l’Institut Pasteur dans un communiqué. Cette souche n’est en revanche pour le moment pas résistante à la tétracycline.
Liban, Tanzanie…
La souche étudiée avait été identifiée pour la première fois au Yémen lors de l’épidémie de choléra survenue en 2018-2019. Les scientifiques auteurs de l’étude ont pu retracer la dissémination de cette souche ces dernières années grâce à l’étude des génomes bactériens. Après le Yémen, ils ont de nouveau identifié cette souche résistante à dix antibiotiques au Liban en 2022 puis au Kenya en 2023, et enfin en Tanzanie et aux Comores, dont Mayotte en 2024 . Entre mars et juillet 2024, 221 cas causés par cette souche hautement résistante aux antibiotiques ont été recensés sur l’île de Mayotte.
Dans son bilan communiqué en octobre, l’ARS a dénombré cinq personnes dont la mort est « imputable au choléra » et deux autres décès « partiellement imputables » à cette infection intestinale, qui, dans ses manifestations les plus sévères, est l’une des maladies infectieuses les plus rapidement mortelles, en quelques heures seulement en l’absence de traitement.
« Renforcer la surveillance mondiale »
De son côté, le Yémen, ravagé par plus d’une décennie de guerre civile, compte en 2024 de nombreux cas suspects de choléra, une situation « exacerbée (… ) par les inondations qui ont augmenté le risque de contamination de l’eau », soulignait fin août dernier l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Les pénuries d’eau, la détérioration des infrastructures de santé et la malnutrition ont favorisé la recrudescence de l’épidémie cette année. Entre 2016 et 2022, 2,5 millions de cas suspects avaient été recensés au Yémen, selon l’OIM. Il s’agissait de « la plus grande épidémie de choléra jamais signalée dans l’histoire récente », avec plus de 4000 décès.
« Cette étude met en évidence le besoin de renforcer la surveillance mondiale de l’agent du choléra et en particulier de pouvoir connaître son comportement vis-à-vis des antibiotiques en temps réel », estime le Pr François-Xavier Weill, responsable du CNR des Vibrions à l’Institut Pasteur. « Si cette nouvelle souche qui se propage actuellement devait acquérir une résistance additionnelle à la tétracycline, cela compromettrait alors tout traitement antibiotique par voie orale », met en garde l’auteur principal de l’étude cité dans le communiqué.
Comme le rappelle l’Institut Pasteur, le traitement contre le choléra consiste « essentiellement à compenser les pertes digestives d’eau et d’électrolytes » (NDLR : des composants chimiques formant des particules qui transportent une charge électrique (ions) positive ou négative dans les liquides du corps). « Les antibiotiques sont utilisés en complément de la réhydratation. Ils sont essentiels pour réduire la durée de l’infection et pour rompre les chaînes de transmission au plus vite », précise l’Institut Pasteur.