Le Japon s’est engagé, mardi 18 février, à réduire de 60 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2035 par rapport à 2013, dans le cadre de son plan d’ambition climatique qui s’accompagnera d’une révision de sa stratégie énergétique. La quatrième économie mondiale, encore très dépendante des hydrocarbures et accusée d’avoir le mix énergétique le plus polluant des puissances du G7, s’est déjà fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
L’engagement dévoilé, mardi, s’inscrit dans le cadre de la nouvelle « contribution déterminée au niveau national » (NDC) que Tokyo, comme l’ensemble des pays signataires de l’accord de Paris sur le climat de 2015, devait déposer à l’ONU au plus tard le 10 février. Sur les presque 200 pays concernés, seuls dix l’ont fait à temps, selon les données des Nations unies.
La cible doit être atteinte au cours de l’exercice budgétaire nippon 2035, qui s’achèvera fin mars 2036. L’Archipel vise, par ailleurs, à diminuer ses émissions de 73 % d’ici à 2040, toujours par rapport à 2013, a précisé le ministère de l’environnement japonais.
« Ces objectifs ambitieux sont alignés sur l’objectif mondial » prévu par l’accord de Paris visant à limiter le réchauffement planétaire à moins de 1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, et s’inscrivent dans la perspective de « la neutralité carbone », a insisté le ministère.
Dans sa précédente contribution nationale soumise à l’ONU, en mars 2020, le Japon s’engageait à réduire ses émissions de 26 % seulement d’ici à 2030, suscitant de vives critiques de la part des ONG et des experts du climat. Dans la foulée, un plan plus ambitieux, dévoilé en octobre 2021, fixait un objectif de réduction de 46 % d’ici à 2030 par rapport à 2013.
Projet en faveur des énergies renouvelables
Le nouvel objectif « est une grande opportunité ratée de montrer au monde le leadership du Japon dans la lutte contre le changement climatique », a, cependant, réagi, auprès de l’Agence France-Presse, Masayoshi Iyoda, responsable pour le Japon de l’ONG environnementale 350.org. « Les scientifiques ont averti que le Japon devait réduire de 81 % ses émissions d’ici à 2035 pour s’aligner sur l’objectif de 1,5 °C (…) Le premier ministre, Shigeru Ishiba, a succombé à la pression du monde industriel redevable aux intérêts des combustibles fossiles », s’est-il désolé, dénonçant « un échec majeur (…) pour une transition vers un avenir d’énergie renouvelable juste et équitable ».
Les défis sont majeurs pour le Japon. En 2023, près de 70 % de ses besoins en électricité étaient couverts par des centrales thermiques fonctionnant au charbon et aux hydrocarbures. Les importations de combustibles fossiles, 23 % des importations totales du Japon, coûtent l’équivalent d’environ 470 millions de dollars par jour au pays, selon les chiffres des douanes nippones pour 2024. Soucieux d’y remédier, le gouvernement de Shigeru Ishiba avait annoncé, mi-décembre, un projet préliminaire visant à faire des énergies renouvelables la première source d’électricité du pays à l’horizon 2040 tout en dopant le recours au nucléaire. D’autant que Tokyo mise sur une augmentation de 10 à 20 % de la production d’électricité du pays d’ici à 2040, en comparaison avec 2023, face à une demande croissante en lien notamment avec l’intelligence artificielle et la production de semi-conducteurs.
Ce « plan stratégique énergétique » a été affiné et détaillé mardi. D’ici à 2040, selon les objectifs adoptés, les centrales thermiques ne devront plus représenter qu’entre 30 % et 40 % du mix électrique japonais. A l’inverse, la part des renouvelables dans la production d’électricité sera gonflée pour atteindre entre 40 % et 50 %, contre seulement 23 % en 2023. L’objectif précédemment fixé était de 38 %.
La part du solaire dans le mix électrique devrait monter à 23-29 % d’ici à 2040, celle de l’éolien à 4-8 %, et celle de l’hydroélectrique à 8-10 %, selon les fourchettes détaillées. Par ailleurs, le nucléaire devrait compter pour 20 % de la production électrique d’ici à 2040, peu ou prou l’objectif déjà fixé pour 2030 – mais en deçà des 30 % que l’atome civil représentait avant 2011.
Quatorze ans après la catastrophe de Fukushima, le Japon veut faire jouer à l’énergie nucléaire un rôle majeur pour répondre aux besoins énergétiques. Le gouvernement avait fermé toutes les centrales nucléaires de l’Archipel après ce triple désastre (séisme, tsunami, accident nucléaire). Mais il les a progressivement remises en service, en dépit de levées de boucliers, dans le cadre de sa politique de réduction des émissions carbone. Il prévoit que tous ses réacteurs existants soient en service d’ici 2040, et éventuellement de nouveaux réacteurs.