- Dans son rapport annuel publié jeudi, le Haut Conseil pour le climat appelle au « sursaut collectif pour relancer l’action climatique ».
- Les experts estiment en effet que « le pilotage de l’action climatique s’affaiblit » alors même que les « impacts du changement climatique s’aggravent ».
- Ils s’intéressent notamment à l’empreinte carbone des Français, 1,4 fois supérieure à la moyenne mondiale.
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Notre planète
Un rapport en guise d’alerte. Dans un document de 43 pages rendu public ce jeudi 3 juillet, le Haut Conseil pour le climat (HCC), une instance indépendance composée d’experts et créée par Emmanuel Macron lors de son premier mandat, alerte sur un paradoxe en France : « le climat change plus vite et les impacts s’intensifient
» et pourtant, « le cadre d’action publique a pris un retard important
» et « le pilotage s’affaiblit
« , écrivent-ils ainsi.
« Les documents cadres relatifs à l’énergie et au climat
(Programmation pluriannuelle de l’énergie, stratégie nationale bas-carbone) n’ont toujours pas été publiés
, regrette le HCC. Cet affaiblissement du pilotage a empêché les particuliers, les acteurs économiques et les territoires de s’engager dans la transition. Des reculs sont aussi observés sur des mesures rencontrant pourtant du succès (
rénovations complètes
,
leasing social
) remettant en cause la lisibilité et la crédibilité de la politique climatique
. »
Un sursaut collectif
Un sursaut collectif
Jean-François Soussana, président du HCC
Dressant un panorama des différents secteurs (transports, bâtiments, industrie, énergie, agriculture, etc) et de leur retard, pour certains, pour atteindre les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030, les experts du HCC, présidé depuis l’an dernier par Jean-François Soussana, directeur scientifique de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), appelle à un « sursaut collectif
» pour relancer l’action climatique en France.
9,4 tonnes eqCO2 par personne en France
Dans ce portrait climatique de la France, le HCC s’intéresse également à l’empreinte carbone des Français. Cet indicateur permet de mesurer l’impact sur le climat d’une activité, d’un produit, mais aussi d’une personne. Son estimation permet de compléter l’impact de l’activité de la France sur les émissions mondiales, souvent réduit à ses seules émissions produites sur le territoire, sans prendre en compte par exemple les émissions importées liées à notre consommation de biens venus d’ailleurs.
« Selon l’objectif fixé par l’Accord de Paris, pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C, chaque personne doit réduire son empreinte à 2 tonnes de CO₂ par an d’ici à 2050
« , rappelle l’Ademe. Or, pour l’heure, l’empreinte carbone de la France en 2023 était de 9,4 tonnes eqCO2 par personne.
Elle baisse depuis 2008 (hormis 2021 et 2022)
Celle-ci prend en compte les émissions associées aux importations et au transport international de voyageur (56% de l’empreinte carbone totale), les émissions de la production intérieure de biens et services pour la consommation intérieure (28%) et les émissions directes des ménages (16%).
La bonne nouvelle est que l’empreinte est en baisse : -4,1% par rapport à 2022, rapporte le HCC. Cette baisse est observée depuis 2008, après une longue période de hausse entre 1990 et 2008, et hormis deux années de hausse post-crise sanitaire (+7,4% en 2021 et +0,8% en 2022, en restant toutefois à un niveau inférieur à 2019).
La mauvaise nouvelle est qu’elle est toujours 1,4 fois supérieure à la moyenne mondiale (6,5 tonnes eqCO2 par personne). Et évidemment loin des 2 tonnes de l’accord de Paris.
Les importations représentent la moitié de l’empreinte carbone des Français
Pourquoi ?
Beaucoup en raison de nos importations : elles représentent la moitié de l’empreinte carbone des Français. Or, elles ont augmenté depuis 2016 (sauf en 2020 et 2023). Sont notamment en cause nos importations de pétrole : « L’usage de combustibles fossiles importés représente près de deux tiers des émissions brutes territoriales
« , notent les experts. Une facture énergétique qui a un coût climatique, mais aussi économique : les importations d’énergies fossiles représentent 65 milliards d’euros chaque année.
En dehors des énergies fossiles, la France importe des biens et des services au fort contenu carbone : « métaux, produits manufacturés comme les produits électroniques,
les textiles
ou autres biens de consommation issus de pays ayant un mix énergétique fortement émetteur
« , relève le HCC. « La France, tout comme l’Union européenne dans son ensemble, importe plus d’émissions qu’elle n’en exporte
« , lit-on encore dans le rapport.
Baisse des émissions liées à certains produits importés
Selon le HCC, entre 2010 et 2021, nos émissions importées provenaient d’abord du reste de l’Europe, du Royaume-Uni et de Norvège (plus de 25%), 16% de Chine, 9% de Russie et 4% de Russie. Un équilibre modifié en faveur des États-Unis depuis la guerre en Ukraine, la crise énergétique et la diminution des importations d’énergies fossiles russes.
Toutefois, relèvent les experts, la baisse de l’empreinte en 2023 est en partie liée à la baisse de ces émissions importées, notamment en raison « de la diminution des importations de certains produits comme le ciment et les vêtements
« , « d’une moindre importation de gaz que lors de la reconstitution exceptionnelle des stocks en 2022
« , et « d’une moindre importation d’électricité qu’en 2022, année marquée par une moindre disponibilité des centrales nucléaires
» en France.
Les émissions de l’aérien et du maritime en hausse
En revanche, les émissions liées au transport aérien, elles, augmentent, y compris vers l’international (+3,2 Mt eqCO2, soit +5% entre 2023 et 2024). Idem pour le trafic maritime : « les émissions du transport maritime international sont en très forte hausse en 2024 après une baisse en 2023 : +14%
« . Le HCC note également une hausse des émissions liées à la fabrication de véhicules (+2,6 Mt éqCO2).
« L’empreinte doit diminuer de 80% par rapport à 2005
» pour atteindre les objectifs climatiques de la France, soit la neutralité carbone en 2050, rappellent les experts.
Comment réduire ?
« Cela passe à la fois par une action sur les émissions importées et sur les émissions intérieures »
, avance le HCC. Les experts mettent notamment en garde contre les effets néfastes d’une politique de réindustrialisation qui peuvent entraîner une hausse des émissions produites en France « si elles ne s’accompagnent pas d’un effort suffisant de décarbonation des nouveaux investissements industriels.
«
Sur ce sujet, comme sur les autres sujets climatiques abordés dans ce rapport, le HCC recommande de « garantir la lisibilité, la stabilité et la cohérence de l’action climatique sur le long terme
« , « renforcer l’accompagnement social pour éviter l’aggravation des inégalités et permettre l’accès à la transition pour tous
« , « mettre en place des trajectoires d’incitations publiques, d’investissements, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers et des sols
« , « anticiper les besoins d’adaptation et protéger les personnes et les biens des effets du changement climatique
» et enfin de « relancer la diplomatie climatique de la France autour des principes de solidarité et de justice
« .