- La Cour internationale de Justice (CIJ) doit rendre ce mercredi 23 juillet un avis établissant un cadre juridique mondial pour la lutte contre le changement climatique.
- Plus de 100 plaidoiries ont été entendues par la CIJ en décembre dernier, un record.
- Que peut changer cet avis ?
« L’affaire la plus importante de l’Histoire de l’Humanité »
, voilà comment l’enjeu est qualifié par certains acteurs. Ce mercredi 23 juillet, la Cour internationale de Justice (CIJ) doit rendre une décision capitale : exprimer pour la première fois un avis établissant un cadre juridique mondial pour la lutte contre le changement climatique. Celui-ci doit notamment définir les responsabilités des principaux pollueurs envers les pays les plus vulnérables.
Sur quoi la Cour doit-elle trancher ?
Pour y parvenir, un processus historique a été engagé. En décembre 2024, près d’une centaine d’États – dont beaucoup comparaissaient pour la première fois devant la juridiction – et des organisations régionales ont défilé à La Haye (Pays-Bas) pour présenter leurs observations sur la question du climat. Avec deux questions sur lesquelles la CIJ va devoir trancher : « quelles obligations les États ont-ils en vertu du droit international pour protéger la Terre contre les émissions de gaz à effet de serre ? »
; « quelles sont les conséquences juridiques de ces obligations, lorsque les États, par leurs actes et leurs omissions, ont causé des dommages importants au système climatique ? »
Deux camps s’opposent. D’un côté, les économies reposant sur les énergies fossiles, telles que les États-Unis, la Chine ou l’Inde, ont fait valoir que l’arsenal juridique existant – la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques – était suffisant et ne devait pas être altéré. De l’autre, les petits États subissant de plein fouet les conséquences du changement climatique ont fait valoir que ce cadre était totalement inadéquat pour atténuer ses effets dévastateurs.
Des « répercussions sur plusieurs générations »…
L’avis de la Cour internationale de Justice pourrait ainsi avoir de grandes conséquences juridiques. C’est en tout cas ce qu’espère le gouvernement français. « Il s’agit d’une occasion importante d’établir un cadre de responsabilité ferme, fixant des obligations juridiques internationales nettes en matière d’action climatique »
, peut-on lire sur son site (nouvelle fenêtre). Cet avis « peut contribuer à éclairer les procédures judiciaires ultérieures telles que les affaires nationales, influencer le processus diplomatique et sera probablement cité dans des milliers de procès liés au climat dans le monde »
, affirme l’Organisation des Nations unies (nouvelle fenêtre) (ONU).
« Ce sera la boussole dont le monde a besoin pour corriger le cap »
, veut aussi croire Vishal Prasad, directeur de l’association Étudiants des îles du Pacifique luttant contre le changement climatique. « Cela donnera un nouvel élan aux litiges climatiques, inspirera des politiques nationales plus ambitieuses et guidera les États vers des décisions qui respectent leurs obligations légales de protéger les populations et la planète. »
Le petit État insulaire du Vanuatu, situé à l’est de l’Australie et qui a poussé l’ONU à saisir la CIJ, va même plus loin. « L’issue de ces procédures aura des répercussions sur plusieurs générations, déterminant le sort de nations comme la mienne et l’avenir de notre planète »
, avait ainsi déclaré son ministre de l’Environnement Ralph Regenvanu devant les 15 juges l’hiver dernier. « Cette Cour ne doit pas permettre (aux États pollueurs) de condamner nos terres et nos peuples à des tombes aquatiques »
, avait lancé de son côté John Silk, ambassadeur des Îles Marshall.
… ou un coup d’épée dans l’eau ?
Reste que l’avis de la CIJ ne sera que consultatif : il n’aura rien de contraignant, et les gros pollueurs pourront choisir de l’ignorer. « Si elle rendait un avis particulièrement progressiste en droit du climat, rien ne la forcerait, dans le cadre d’un contentieux portant sur un conflit précis entre deux ou plusieurs pays sur des questions climatiques, à statuer de manière progressiste »
, tempérait en décembre Marta Torre Schaub, chercheuse du CNRS à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne et directrice du réseau ClimaLex.
Un tel avis « aiderait l’Assemblée générale, les Nations unies et les États membres à prendre des mesures plus audacieuses et plus fortes en matière de climat dont notre monde a si désespérément besoin »
, exhortait l’an dernier le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Encore faut-il que les États guident leur action en fonction de la décision de ce mercredi, ce dont ils ne seront pas contraints.
Surtout, rien n’indique que l’avis sera particulièrement favorable aux pays les plus vulnérables. Car la CIJ pourrait tenter de satisfaire tout le monde… et donc personne à la fois. « L’avis de la Cour devra trouver un équilibre entre les États qui demandent d’aller très loin et ceux dont l’économie est fondée sur les énergies fossiles »
, anticipait Marta Torre Schaub. « Selon sa décision, des États pourraient décider de sortir du cadre juridique de l’institution. »
Il faudrait donc contenter les deux camps…