Une « métaphore de la vie de la nation » : le 29 novembre, lors de sa dernière visite du chantier de la cathédrale, c’est en ces termes qu’Emmanuel Macron évoque Notre-Dame de Paris. Moins d’un an auparavant, le 31 décembre 2023, lors de ses vœux aux Français, le président de la République faisait de la réouverture à venir de l’édifice une « fierté française ». Pour le chef de l’Etat, ces cérémonies sont l’occasion de célébrer une grande réussite pour le pays. Un moment de réjouissance collective qui vient réparer la « blessure nationale » qu’a été, le 15 avril 2019, la vision de la cathédrale enflammée. Notre-Dame de Paris, dans la détresse ou la joie, parviendrait ainsi à réunir les Français autour d’elle.
« La paroisse de la nation » : pour l’essayiste Maryvonne de Saint-Pulgent, ancienne directrice du patrimoine au ministère de la culture, voilà ce que représente la cathédrale parisienne – et ce, même si cette expression « peut sembler déconcertante dans une république laïque ». « Nous avons besoin d’un lieu qui s’inscrit dans la longue durée, d’un lieu marqué par le sacré, où la nation se retrouve, estime l’autrice de La Gloire de Notre-Dame. La foi et le pouvoir (Gallimard, 2023). De nombreux pays possèdent un tel espace, où certains grands moments de la vie nationale sont célébrés. La République en a besoin elle aussi. Le Panthéon aurait pu être ce temple national et républicain, mais il est trop récent et il ne possède pas la même sacralité. C’est donc à Notre-Dame qu’est revenu ce rôle. »
Cette consécration est aujourd’hui acquise, mais elle a mis près de deux siècles à advenir. « Sous les différents régimes qui se sont succédé durant le XIXe siècle, la cathédrale a été le cadre de cérémonies associant le pouvoir politique à la religion catholique, la plus fameuse étant le sacre de Napoléon Ier en 1804 », rappelle Mme de Saint-Pulgent. Immortalisé par le tableau de Jacques-Louis David, le couronnement à Notre-Dame a été un grand moment de communication politique pour l’Empereur : elle lui a permis d’affirmer son statut de souverain tout en rompant avec la tradition monarchique du sacre de Reims.
Avec l’avènement de la IIIe République, en 1870, la cathédrale aurait pu cesser d’être cette église « officielle » de l’Etat – et c’est d’ailleurs ce qui se passe pendant un temps. Les dirigeants républicains, promoteurs de la laïcité, parfois franchement anticléricaux, souhaitent se démarquer de la vision du monde qui prédomine au sein de leur opposition de droite, catholique et monarchiste. « Dans ce contexte, ils évitent, bien sûr, de faire d’une cathédrale le lieu de cérémonies officielles », précise Maryvonne de Saint-Pulgent.
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