« On a mis le doigt sur quelque chose d’énorme », s’enthousiasme Manuel Théry, chercheur au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, à l’Ecole supérieure de physique et chimie industrielles de la Ville de Paris, rencontré dans un café. Il arbore un tee-shirt qui révèle l’objet central de sa découverte : un microtubule. Ces filaments tubulaires de protéines, de 25 nanomètres de diamètre, sont des pièces essentielles des cellules. Sur ces « rails », d’autres molécules transportent des protéines d’un endroit à l’autre de la cellule.
Leur organisation en réseau forme aussi le squelette des cellules, pour leur permettre de changer de forme, avancer et aussi se diviser en deux. Bref, un maillon aussi fondamental que d’autres composés, comme le noyau contenant l’ADN, les mitochondries ou autres ribosomes… mais qui reste largement incompris. Comment pousse ce réseau, capable de se réparer, grandir ou rétrécir, de manière ordonnée ?
Manuel Théry, s’il est loin d’avoir la réponse, pense être sur une piste sérieuse. Avec son équipe parisienne, celle de l’lnstitut de recherche interdisciplinaire de Grenoble et le Collège de France, il a montré comment des microtubules peuvent s’auto-organiser dans la cellule. Sur les films, joints à l’article publié dans la revue PNAS du 25 novembre, détaillant leurs expériences, des petits tubes jaunâtres de 10 micromètres de long se déplacent comme des voitures à quelque 100 nanomètres par seconde dans toutes les directions, sans ordre. Soudain, comme la glace pétrifiant une flaque d’eau, la circulation se fige.
Sachet de sucre allongé
Les microtubules s’empilent les uns sur les autres et ses longues piles se referment sur elles-mêmes. L’espace se retrouve divisé avec des régions violettes et d’autres bleu cyan, séparées par des parois de microtubules. La mosaïque, à certains endroits, évoque des guirlandes de Noël, hérissées de microtubules.
Le spectacle est d’autant plus beau pour un biologiste qu’il y reconnaît des structures adoptées par les microtubules dans les cellules. Sauf que, dans l’étude, ce ne sont pas de vraies cellules, mais des systèmes modèles avec un minimum d’ingrédients qui composent quatre familles. Des microtubules évidemment. Puis deux types de « moteurs », des kinésines (une protéine), qui marchent sur ces tubes dans un sens (moteur « plus ») ou dans l’autre (moteur « moins »). Et, dernier ingrédient, une membrane de lipides sur laquelle se promènent aléatoirement les moteurs quand ils ne sont pas sur un microtubule.
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