Un regard suffit, sur Google Maps, pour les identifier sur les chantiers navals. Sur l’île de Changxing, à l’embouchure du Yangzi, au nord de Shanghaï, les proues affinées des frégates et des corvettes se distinguent de celles des cargos. Certaines sont à l’assemblage à terre, d’autres à l’eau dans les bassins. Se détache aussi la forme rectangulaire d’un probable futur porte-hélicoptères. Pas un mois ne se passe sans que la presse officielle célèbre un nouveau venu dans la flotte chinoise, tel ce bâtiment d’assaut amphibie d’une taille inédite de 260 mètres, lancé le 27 décembre 2024, capable d’emmener des hélicoptères et de déployer des drones de combat grâce à un système de catapulte électromagnétique.
En chinois, une expression illustre le rythme effréné auquel le pays inaugure ces navires de guerre : « comme des raviolis », que produirait à la chaîne une gargote populaire. Cette course à la production s’observe aussi en amont, sur les rives du Yangzi, à Wuhan, où sont assemblés des sous-marins, près de grands ports du nord-est du pays, Huludao et Dalian, ainsi qu’à Canton dans le Sud, où sont apparues de longues barges qui faciliteraient un débarquement.
Dotée de onze porte-avions, l’US Navy demeure la première flotte de la planète en tonnage, mais plus en nombre de bateaux : l’Armée populaire de libération (APL) compte désormais 370 navires de combat, contre 297 pour l’armée américaine. Certes, les dépenses militaires de la Chine s’élevaient, en 2023, à 296 milliards de dollars (285,7 milliards d’euros), soit 32 % des 916 milliards dépensés par les Etats-Unis, selon l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm – un écart s’expliquant par le déploiement permanent des forces américaines de par le monde. Mais aucun autre pays ne s’est lancé dans un tel effort pour contester la supériorité militaire américaine. La Chine est « le seul compétiteur des Etats-Unis avec l’intention et, de plus en plus, la capacité de remodeler l’ordre international », lit-on dans la stratégie de sécurité nationale américaine de 2022. Le rythme de développement de l’armée chinoise représente le principal « défi » du Pentagone.
Il vous reste 88.13% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.