Reconnu coupable d’association de malfaiteurs et condamné à cinq ans de prison par le tribunal correctionnel de Paris, Nicolas Sarkozy affiche sa volonté de poursuivre son « combat judiciaire » pour « l’Etat de droit ». Or, le discours qu’il distille avec ses soutiens ne cesse de cibler et de saper ses fondements. Entre indignation et victimisation, la rhétorique déployée par l’ancien président de la République illustre certains des maux de notre débat public : complotisme, confusionnisme et inversion du réel, des valeurs et des responsabilités. En cela, un tel discours aux relents trumpiens s’avère d’une « extrême gravité ».
La convocation systématique de l’Etat de droit à des fins politiques entretient la confusion autour de ce concept. A la fois omniprésent et insaisissable, sacralisé et contesté, l’Etat de droit est un ordre juridique étatique, protecteur de libertés et de droits fondamentaux, dont la garantie est assurée par un juge indépendant et impartial. De ce point de vue, il sort renforcé de cette énième affaire Sarkozy : la menace de voir le secret et l’impunité l’emporter a été déjouée.
A la suite des révélations de journalistes de Mediapart et au terme de dix ans d’enquête judiciaire, un procès équitable s’est tenu, dans le respect des droits de la défense. Fondé en droit, le jugement rendu établit des faits difficilement contestables et procède d’une motivation particulièrement détaillée. Les conditions du procès, comme le jugement à l’encontre de prévenus au statut exceptionnel, confortent l’indépendance d’une justice qui est souvent critiquée pour son laxisme à l’égard de la « délinquance en col blanc ».
Le jugement du tribunal infirme l’image d’une justice à géométrie variable et illustre au contraire le principe de l’égalité devant la loi, qui doit être « la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » (article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Le statut d’ancien chef de l’Etat n’est source d’aucun privilège.
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