Les partenaires sociaux du « conclave » sur les retraites doivent écrire, lundi 23 juin, leur dernier chapitre, avec ou sans accord, après quatre mois d’une concertation impulsée par François Bayrou, sous le regard de la gauche, attentive à l’issue. La dernière séance de travail, le 17 juin, s’est achevée sur une prolongation arrachée sur le fil pour éviter l’échec. Une de plus dans une discussion entamée le 27 février et qui devait se clore à l’origine le 28 mai.
Une voie de compromis est-elle possible ? Les dernières déclarations ne le présagent pas. « Je suis assez pessimiste sur le bilan de cette négociation », dit Christelle Thieffine, négociatrice de la CFE-CGC. Eric Chevée parle, lui, de « lignes rouges voire écarlates » pour son camp, la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises).
Même registre pour Pascale Coton, négociatrice de la CFE-CGC qui évoque « un chiffon rouge » après la séance du 17 juin qui « devait être la dernière, sera l’avant-dernière » et l’a mise « très en colère ».
Patrick Martin, président du Medef, s’est même dit « très réservé » sur la participation lundi de son organe, principal représentant du patronat. « La question, c’est : est-ce qu’une copie signée sans le Medef a du sens ? », s’est interrogé Eric Chevée. Selon La Tribune Dimanche, l’organisation patronale se rendra bien au conclave avec une ultime proposition d’accord. Interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), le Medef a annoncé que son bureau se réunirait lundi matin. Pour rappel, Force ouvrière, la CGT et l’U2P (Union des entreprises de proximité) ne participent plus aux concertations.
Enjeu autour de la carrière des femmes et de la pénibilité
Seule la CFDT entrevoit une lueur. « Le patronat, la balle est totalement dans leur camp. Est-ce qu’ils prennent l’accord qui est sur la table ? », a demandé lundi matin sa numéro un, Marylise Léon, sur France Inter. Elle avait souligné auparavant, auprès de l’AFP, des « avancées sociales qu’on doit pouvoir concrétiser ».
On ne parle plus ici de l’âge du départ à la retraite : sans surprise le Medef s’est montré inflexible sur son maintien à 64 ans. Quoi qu’il arrive à l’issue de la réunion de la dernière chance, cette mesure phare, et impopulaire, de la réforme Borne de 2023 sera donc toujours en vigueur pour les salariés nés à partir du 1er janvier 1968.
La quête de compromis doit maintenant principalement s’articuler autour de la carrière des femmes et de la pénibilité. Dans le premier point, consensuel, il est question de revaloriser les pensions en fonction du nombre d’enfants. Dans le second, d’une prise en compte du port de charges lourdes, vibrations mécaniques et postures pénibles, critères ergonomiques poussés par la CFDT.
Mais la finalité d’une reconnaissance de l’usure professionnelle n’est pas la même pour tous : les syndicats y voient une ouverture aux départs anticipés à la retraite, le patronat privilégie d’autres pistes.
Bayrou s’est engagé à présenter les conclusions devant le Parlement
Selon La Tribune Dimanche, le patronat envisage toutefois un geste sur la pénibilité. Mais « si le Medef refuse des départs anticipés sur la pénibilité, il n’y aura pas la CFDT », a réaffirmé Marylise Léon lundi. « Je dirais qu’il y a 65 % de risque d’échouer contre 35 % de chance d’aboutir », a estimé dans un entretien accordé aux Echos Cyril Chabanier, le patron de la CFTC, syndicat présent lundi.
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La fin du « conclave » est aussi un moment de vérité pour François Bayrou, qui avait proposé, lors de sa déclaration de politique générale, le 14 janvier, aux représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise de « remettre en chantier » la loi du 14 avril 2023, qui décale de 62 ans à 64 ans l’âge d’ouverture des droits à une pension, après un compromis noué avec les socialistes pour éviter une censure du gouvernement. Le premier ministre s’était engagé à en présenter les conclusions devant le Parlement.
« A partir du moment où ce conclave n’aboutit pas sur l’abrogation de la réforme des retraites, nous déposerons une motion de censure », a promis Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise qui aurait besoin d’autres groupes à gauche pour la déposer. Et le Parti socialiste est divisé sur la question. Si le spectre d’une censure semble s’éloigner dans l’immédiat, il pourrait resurgir à l’automne, quand François Bayrou soumettra au vote des députés le projet de budget pour 2026.