Il a été choisi pour prendre la suite de Laurent Fabius à la tête de l’institution de la rue de Montpensier. Emmanuel Macron a proposé Richard Ferrand, 62 ans, marcheur de la première heure et ancien président de l’Assemblée nationale (2018-2022), pour prendre la présidence du Conseil constitutionnel, a fait savoir l’Elysée lundi 10 février au soir, dans un communiqué. Son nom circulait avec insistance ces dernières semaines.
La présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a, elle, soumis le nom de l’ancienne députée MoDem du Puy-de-Dôme et ex-magistrate Laurence Vichnievsky pour siéger au Conseil, tandis que le président du Sénat (Les Républicains, LR), Gérard Larcher, a choisi le sénateur (LR) de la Manche, Philippe Bas. Ces derniers doivent remplacer Corinne Luquiens et Michel Pinault qui, comme M. Fabius, achèvent le 7 mars leur mandat de neuf ans au sein de l’institution.
Les trois candidats devront désormais passer l’épreuve des auditions parlementaires. Celles-ci sont programmées le 19 février s’agissant de l’Assemblée. Laurence Vichnievsky sera auditionnée par la commission des lois du Palais-Bourbon, tandis que Philippe Bas le sera par celle du Palais du Luxembourg. Leur candidature pourrait être recalée si trois cinquièmes des commissionnaires s’y opposent lors du scrutin à bulletin secret. Richard Ferrand devra, pour sa part, convaincre les membres des commissions des lois des deux Chambres.
Nomination à fort enjeu politique
De ces nominations pour siéger au sein de l’institution, le choix présidentiel est celui qui recouvre le plus d’enjeux : le futur président du Conseil constitutionnel sera en poste jusqu’en 2034, bien après la fin du second mandat du président de la République. Cette nomination est d’autant plus sensible politiquement, que l’extrême droite pourrait accéder au pouvoir, en cas de victoire de Marine Le Pen lors de la prochaine présidentielle.
Le Rassemblement national (RN) comme la droite de Laurent Wauquiez s’en étaient pris aux membres du Conseil constitutionnel au lendemain de la censure d’une trentaine d’articles de la loi « immigration », en janvier 2024. La validation de la réforme des retraites, en 2023, avait, elle, été vivement critiquée à gauche.
Le choix du président de nommer un proche, et qui l’est resté malgré sa défaite aux élections législatives de 2022 – lors desquelles Richard Ferrand n’a pas réussi à se faire réélire dans le Finistère – et sa reconversion dans le conseil, suscite des critiques tant dans l’opposition que parmi les juristes. Prudent, M. Ferrand a ainsi consulté plusieurs chefs de groupe parlementaire et a commencé à préparer ses auditions depuis plusieurs semaines.
« Ce choix va indubitablement affaiblir la légitimité d’une institution qui va prendre une importance considérable, étant donné les circonstances politiques », a estimé sur X, avant l’officialisation de cette nomination, le sénateur communiste Pierre Ouzoulias. Le profil de l’ancien député macroniste « ne s’intègre ni dans une exigence de compétence technique ni dans une impartialité, objective comme subjective, le plaçant au-dessus des contingences politiques », estiment pour leur part les universitaires Dominique Chagnollaud et Jules Lepoutre dans une tribune publiée dans les pages du Monde.
Dimanche, la porte-parole du RN, Edwige Diaz, a dénoncé sur France 3 « le monde du recalage et du recyclage des battus ». De leur côté, les députés communistes ont redéposé une proposition de loi pour encadrer les nominations au Conseil constitutionnel, ont-ils fait savoir lundi. Il faut « en finir avec les nominations qui font polémique et le fragilisent », écrivent-ils.
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Le texte, déjà porté par le député Stéphane Peu, prévoit que trois membres du Conseil constitutionnel aient « la qualité de professeur de droit des universités ou de juge ayant exercé effectivement au moins dix ans dans les juridictions administratives ou judiciaires françaises ».
Le profil de Richard Ferrand en question
Avec seulement deux années d’études de droit à son compteur, Richard Ferrand, ancien journaliste et ancien dirigeant d’une agence de graphisme, ne s’est guère illustré par son travail de législateur. Durant ses dix ans passés à l’Assemblée (2012-2022), il a été rapporteur de deux lois seulement, dont l’une, la révision institutionnelle de 2018, n’a jamais abouti. Au perchoir, il a lancé une réforme du règlement de l’Assemblée réduisant les prérogatives des parlementaires, qui a été adoptée grâce aux seules voix de la majorité.
Il a également été affaibli par l’affaire des Mutuelles de Bretagne qui lui avait coûté sa place au gouvernement en 2017, et pour laquelle il a obtenu un non-lieu au bénéfice de la prescription. « Je ne vois pas ce qui pourrait s’opposer à ce qu’il soit désigné », a toutefois rétorqué dimanche sur Radio J le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille. L’Elysée met, de son côté, en avant la qualité d’ancien président de l’Assemblée nationale de M. Ferrand pour justifier son choix, fonction exercée par les deux derniers présidents nommés, Jean-Louis Debré, en 2007, et de Laurent Fabius, en 2016.
L’actuel président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, préconisait, le 2 décembre 2024, d’instituer l’exigence d’une « expérience juridique solide » pour les futurs conseillers. La politisation du Conseil inquiète aussi les universitaires. De fait, si les nominations de MM. Ferrand et Bas et de Mme Vichnievsky étaient approuvées par le Parlement, il n’y aurait plus que deux authentiques juristes – sur neuf – en son sein.