La Corée du Sud s’enfonce davantage dans la confusion politique et judiciaire, après le coup de tonnerre provoqué par le président Yoon Suk Yeol lors de sa tentative manquée, au début du mois de décembre 2024, d’imposer la loi martiale dans le pays, qui lui vaut désormais d’être visé par un mandat d’arrêt.
« L’exécution du mandat d’arrêt contre le président Yoon Suk Yeol a commencé », a ainsi annoncé, vendredi 3 janvier au matin, le Bureau d’enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), qui centralise l’investigation pour « rébellion » contre le chef d’Etat. Mais selon l’agence sud-coréenne Yonhap, les enquêteurs ont d’abord été « bloqués par une unité militaire à l’intérieur ». Après avoir réussi à franchir le barrage, ils ont d’ensuite « se confronter au service de sécurité » présidentiel, qui avait déjà empêché plusieurs perquisitions chez M. Yoon ces derniers jours, invoquant une loi sur les secrets d’Etat.
Des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP) avaient auparavant vu l’un des procureurs du CIO accompagné de plusieurs autres personnes franchir l’imposante barrière de sécurité dressée devant la résidence présidentielle vers 8 heures locales (1 heure à Paris).
Une tentative d’arrestation « illégale », selon l’avocat du président
Le CIO, qui centralise les investigations sur le coup de force présidentiel du 3 décembre, a jusqu’au 6 janvier pour exécuter le mandat d’arrêt délivré par un tribunal de Séoul à sa demande. « L’exécution de ce mandat d’arrêt est illégale et invalide », a estimé, de son côté, l’avocat du dirigeant, Yoon Kap-keun, annonçant un nouveau recours en justice pour bloquer cette exécution, en plus de ceux qu’il a déjà déposés pour contester la validité du mandat lui-même.
Une arrestation de Yoon Suk Yeol, qui reste officiellement le chef de l’Etat et n’est que suspendu en attendant la confirmation par la Cour constitutionnelle de sa destitution d’ici à la mi-juin, serait sans précédent dans l’histoire de la Corée du Sud.
Il reste difficile de savoir quelle unité de l’armée s’opposait physiquement, vendredi, à l’arrestation de M. Yoon. Ces dernières semaines, des membres de son service de sécurité avaient déjà bloqué des tentatives de perquisition dans la résidence présidentielle. Le chef du CIO, Oh Dong-woon, a averti que quiconque tenterait d’empêcher l’arrestation de M. Yoon pourrait lui-même faire l’objet de poursuites.
Des centaines de partisans inconditionnels de M. Yoon, parmi lesquels des youtubeurs d’extrême droite connus et des prédicateurs chrétiens évangéliques, ont campé près de la résidence présidentielle toute la nuit de jeudi à vendredi, certains organisant des séances de prière nocturnes. « Yoon Suk Yeol ! Yoon Suk Yeol ! », scandaient-ils en agitant des bâtons lumineux rouges, surveillés par les forces de l’ordre présentes en grand nombre. Selon l’agence Yonhap, quelque 2 700 policiers étaient déployés dans le secteur, après des échauffourées entre partisans et détracteurs du président déchu, la veille au soir.
Yoon Suk Yeol jure de « se battre jusqu’à la fin »
Yoon Suk Yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en imposant la loi martiale et en envoyant l’armée au Parlement pour tenter de le museler, un épisode qui avait rappelé au pays les heures sombres de la dictature militaire. Il avait été forcé de faire marche arrière quelques heures plus tard, les députés ayant réussi à entrer dans le Parlement et à voter une motion exigeant la levée de la loi martiale pendant que leurs assistants bloquaient les portes de l’Hémicycle avec des meubles et que des milliers de manifestants prodémocratie se rassemblaient à l’extérieur.
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L’ancien procureur vedette de 64 ans n’a manifesté aucune contrition depuis sa destitution par le Parlement, le 14 décembre, jurant même de « se battre jusqu’à la fin » dans une lettre distribuée mercredi à ses partisans. « La République de Corée est actuellement en danger en raison des forces internes et externes qui menacent sa souveraineté, et des activités des éléments anti-étatiques », a-t-il écrit.
Le Parti démocrate, principale force d’opposition, a qualifié ces propos de « délirants ». « Cela fait un mois que le pays est devenu une épave complète en raison de la déclaration illégale de la loi martiale du 3 décembre, mais le message de M. Yoon à ses partisans montre qu’il n’a pas le moindre sens du remords ou de la responsabilité », a estimé, vendredi, dans un éditorial le grand quotidien de droite Dong-A Ilbo. « Le comportement du président Yoon, qui s’appuie sur ses partisans les plus extrémistes, est plus qu’embarrassant. Il atteint des niveaux déplorables », ajoute le journal.
Les pouvoirs présidentiels sont désormais entre les mains du ministre des finances, Choi Sang-mok, après que le premier ministre Han Duck-soo, qui assurait l’intérim de la présidence, a été à son tour destitué par le Parlement. Depuis, M. Choi a partiellement accédé à une demande de l’opposition en nommant deux nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, dont trois des neuf sièges sont vacants. Cette cour doit se prononcer à la majorité des deux tiers pour confirmer la destitution du président, faute de quoi celui-ci retrouvera automatiquement son fauteuil.