La commission des lois de l’Assemblée nationale a validé, mercredi 28 mai, un rapport parlementaire qui recommande à l’unanimité l’inscription de la Corse comme « collectivité à statut particulier » dans la Constitution. Les députés ont proposé de le qualifier de « statut d’autonomie », mais sans le pouvoir législatif réclamé par les nationalistes.
Dans ce rapport de plus de 120 pages, la mission d’information présidée par le député Florent Boudié (Gironde, Renaissance), également président de la commission des lois de l’Assemblée, formule des recommandations sur l’avenir institutionnel de la Corse. Les 16 députés composant cette mission reprennent ainsi l’idée d’un projet constitutionnel pour l’autonomie de l’île voté en mars 2024 par l’Assemblée de Corse, une question disputée de longue date dans le champ politique français.
Signe des divergences politiques profondes sur le dossier, en mars dernier, la commission des lois du Sénat n’avait pas adopté le rapport de sa propre mission d’information consacrée à l’avenir institutionnel de la Corse – une première dans l’histoire de l’institution.
Entre 2022 et 2024, le « processus de Beauvau » – un cycle de négociations entre élus corses et ministère de l’intérieur lancé par Gérald Darmanin – avait permis d’aboutir à un accord de principe en vue d’une forme d’autonomie de la Corse en mars 2024 que devait consacrer un projet de loi organique constitutionnelle. Les discussions ont ensuite été interrompues par la dissolution de l’Assemblée en juin 2024.
Un projet de loi « avant l’été »
« La loi constitutionnelle fixerait les grands principes de l’autonomie de la Corse quand le législateur organique déterminerait, lui, l’étendue de ces nouvelles prérogatives », a détaillé Florent Boudié devant l’Assemblée nationale. Le contenu de ce statut d’autonomie devrait donc encore être délimité par une loi organique. Tous les députés membres se sont par ailleurs prononcés pour « l’affirmation de l’existence d’une communauté historique, linguistique et culturelle en Corse, partie intégrante du peuple français ».
Mais la mission ne va pas jusqu’à recommander l’octroi d’un pouvoir législatif régional, réclamé par les nationalistes, recommandant plutôt que la collectivité de Corse puisse « adapter les lois ou les règlements dans les matières délimitées par la future loi organique ». Elle préconise que soient explicitement exclues les missions régaliennes, notamment « les règles portant sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques » ou encore « l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre public », le tout étant contrôlé par le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel.
La mission demande aussi « la consultation préalable des électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse sur le projet de statut organique », une fois achevée la procédure de révision constitutionnelle. Les députés conseillent une présentation du projet de loi constitutionnelle en conseil des ministres et le dépôt devant le Parlement « avant l’été », et la réunion du Congrès à Versailles « à la fin de l’année 2025 » – un calendrier peu réaliste.
Pour être adoptée, cette réforme constitutionnelle doit être votée dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat, puis, lors de leur réunion en Congrès, à la majorité des trois cinquièmes, et ce alors que l’extrême droite est contre et la droite sceptique. En visite en Corse en février, le ministre de l’aménagement du territoire, François Rebsamen, a affirmé vouloir « reprendre le processus » de Beauvau, « pour le faire aboutir d’ici la fin de l’année ».