« La mort, lance-t-il, sera la grande question du siècle qui vient ! » La formule résonne comme une sentence dans la grande pièce aux murs tapissés de livres. A l’abri du frimas de cette fin décembre 2024, Régis Debray reçoit, chez lui en Eure-et-Loir, un ami de plus de cinquante ans, le réalisateur Costa-Gavras. Dans le jardin, quelques poules en liberté narguent le chat qui n’en a cure. De longues branches flambent dans l’âtre. Sous l’œil du général de Gaulle en photo, à proximité d’un portrait de Rosa Luxemburg, la conversation, à laquelle Le Monde a assisté, durera tout un après-midi, sur un sujet qui les passionne autant qu’il les concerne : comment se préparer à la mort et quitter l’existence le mieux possible. « Avouez que la mort devient un sujet actuel passé 80 ans, plaide l’écrivain et philosophe, né en 1940. A mon âge, répond le cinéaste, je me dis que la mort peut surgir. Il était temps de faire un film pour y réfléchir et pour livrer mes sentiments. »
Le long-métrage sort mercredi 12 février. Il s’intitule Le Dernier Souffle. Costa-Gavras, qui fêtera ses 92 ans le lendemain, a trouvé l’inspiration dans un livre au titre éponyme (Gallimard, 2023), coécrit par Régis Debray et un médecin, Claude Grange, 73 ans, spécialiste des soins palliatifs. « Je ne suis qu’un modeste médecin de campagne », dit en souriant le praticien, assis sur le canapé, devant la cheminée de l’écrivain. « Rien ne me destinait à côtoyer un jour un géant du cinéma et un penseur célèbre », s’amuse-t-il.
![Le médecin Claude Grange, à Boutigny-Prouais (Eure-et-Loir), le 27 décembre 2024.](https://img.lemde.fr/2025/02/09/0/0/4335/2890/664/0/75/0/5073c72_sirius-fs-upload-1-siwzx2buy7ms-1739116393102-le20044.jpg)
![Le cinéaste Costa-Gavras, à Boutigny-Prouais (Eure-et-Loir), le 27 décembre 2024.](https://img.lemde.fr/2025/02/09/0/0/4335/2890/664/0/75/0/5650b44_sirius-fs-upload-1-vgyhb8ca4yws-1739116396569-le29912.jpg)
Il aura fallu, de fait, une rencontre « improbable », à l’occasion d’un dîner chez un ami commun, pour que Claude Grange et Régis Debray fassent connaissance. Invité à la même table, ce soir de juin 2020, le médecin fascine l’écrivain par ses récits de l’accompagnement des fins de vie de ses patients, qui aussitôt lui dit : « Vous faites un métier formidable. Vous rendez humain ce qui ne l’est peut-être pas ! »
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