La Cour pénale internationale (CPI) a condamné, lundi 6 octobre, un chef de milice soudanais pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité durant la guerre civile, il y a vingt ans, dans la région du Darfour.
Ali Mohamed Ali Abdelrahman, connu sous le nom de guerre d’Ali Kushayb, a été reconnu coupable de multiples crimes, dont viol, meurtre et torture, perpétrés au Darfour entre 2003 et 2004. « La chambre est convaincue que l’accusé est coupable au-delà de tout doute raisonnable des crimes qui lui sont reprochés », a déclaré la juge Joanna Korner, juge présidente de la CPI.
La peine sera prononcée ultérieurement, a-t-elle précisé. Les audiences sont prévues du 17 au 21 novembre, à la suite desquelles une décision sera rendue « en temps voulu ».
M. Abdelrahman a suivi les débats impassiblement, prenant occasionnellement des notes.
Viols collectifs, abus, massacres
Mme Korner a détaillé des récits de viols collectifs, d’abus et de massacres. La juge et présidente de la CPI a déclaré qu’à une occasion, M. Abdelrahman avait fait monter une cinquantaine de civils dans des camions, en frappant certains à coups de hache, avant de les allonger au sol et d’ordonner à ses troupes de les abattre.
« L’accusé ne se contentait pas de donner des ordres (…), il participait personnellement aux sévices et était ensuite physiquement présent, donnant des ordres pour l’exécution des détenus », a déclaré Mme Korner.
Le procureur de la cour a accusé l’homme d’avoir été un haut responsable des miliciens arabes, les janjawids, et d’avoir activement participé à la commission des crimes « avec enthousiasme ».
Mais M. Abdelrahman a toujours nié les accusations à son encontre, affirmant qu’il n’était pas l’homme recherché. « Je ne suis pas Ali Kushayb. Je ne connais pas cette personne », a déclaré à la CPI celui qui a été identifié comme étant le chef de la milice soudanaise janjawid – milice progouvernementale dont les membre revendiquent leur origine arabe contre les « Noirs » et impliquée dans les massacres au Darfour (2003-2004) – et allié du dirigeant déchu Omar Al-Bachir.
M. Abdelrahman s’est rendu de son propre chef en 2020. Il soutient que les accusations formulées à son encontre n’ont « rien à voir » avec lui. Il affirme, au contraire, qu’il s’est identifié comme Ali Kushayb auprès de la CPI car il était « désespéré ».
« Cela faisait deux mois que j’attendais dans la clandestinité (…) et que j’avais peur d’être arrêté » par le gouvernement soudanais, a déclaré l’accusé. « Si je n’avais pas dit cela, la cour ne m’aurait pas reçu et je serais mort. »
Les combats ont éclaté en 2003 au Darfour lorsque des rebelles, dénonçant une discrimination ethnique systématique, ont pris les armes contre le régime de M. Al-Bachir, dominé par les Arabes. Khartoum a réagi en déployant la milice janjawid, force composée de membres des groupes nomades de la région.
Selon l’ONU, le conflit au Darfour, qui a pris fin en 2020, a fait 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés.
Un pays toujours marqué par la violence et l’impunité
« La dure réalité est que les cibles dans cette affaire n’étaient pas des rebelles, mais des civils. Ils ont été pris pour cible. Ils ont souffert. Ils ont perdu la vie. Ils ont été marqués physiquement et émotionnellement de multiples façons différentes », a déclaré le procureur de la CPI.
Omar Al-Bachir, qui a dirigé le Soudan d’une main de fer pendant trois décennies, a été destitué en avril 2019 après des mois de manifestations et est recherché par la CPI pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Depuis avril 2023, le Soudan est en proie à une guerre entre l’armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), issues des janjawids. Des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et des millions déplacées.
Le procureur de la CPI espère délivrer des mandats d’arrêt relatifs à la situation actuelle au Soudan.
Ce nouveau conflit, marqué par des revendications d’atrocités de toutes parts, a laissé ce pays d’Afrique du Nord-Est au bord de la famine, selon des organisations humanitaires.
Les avocats d’Emergency, groupe qui documente les atrocités commises au Soudan, ont qualifié ce verdict de « journée historique dans l’histoire de la justice soudanaise ».
« Avec cette décision, la cour ouvre une porte d’espoir pour les victimes de crimes au Darfour et dans tout le pays et affirme que (…) les crimes contre l’humanité ne resteront pas impunis », a déclaré le groupe dans un communiqué.