L’accusation a requis, vendredi 12 décembre, la réclusion criminelle à perpétuité contre l’ex-chef rebelle congolais Roger Lumbala pour complicité dans les crimes contre l’humanité commis par sa faction armée en 2002-2003 dans le nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) et dont il fut « l’une des têtes pensantes ».
C’est la peine maximale que peut rendre la cour d’assises de Paris où se tient ce procès jugé « historique » par les défenseurs des droits humains. Ceux-ci espèrent que le verdict, attendu lundi, mettra à mal l’impunité dont bénéficient depuis près de trois décennies les belligérants dans l’est de la RDC.
Agé de 67 ans, Roger Lumbala est poursuivi devant le tribunal parisien pour complicité de crimes contre l’humanité en vertu de la compétence universelle, un principe qui permet à un Etat de juger les auteurs de crimes imprescriptibles quel que soit le lieu où ils ont été commis. L’audience a d’ailleurs été désertée par l’accusé, détenu depuis son arrestation en décembre 2020 : lui déniant toute légitimité, il a refusé dès le premier jour de revenir devant la cour, qui rendra lundi son verdict.
Viols utilisés comme armes de guerre, esclavage sexuel, travail forcé, tortures, mutilations, exécutions sommaires, pillage systématique, racket, captation des ressources (diamants, coltan…) : durant un mois, la cour a écouté le récit d’exactions commises en 2002-2003 lors de l’opération baptisée « Effacer le tableau », menée dans le nord-est du pays par le RCD-N, le groupe rebelle de Lumbala, soutenu par l’Ouganda voisin et allié au Mouvement de libération du Congo de l’actuel ministre des transports congolais, Jean-Pierre Bemba.
« Paroxysme d’horreur »
Dans la cohorte des guerres auxquelles se livrent depuis trois décennies de nombreuses factions notamment pour le contrôle des ressources naturelles, avec l’implication de pays voisins comme l’Ouganda et le Rwanda, l’opération « Effacer le tableau » a été « un paroxysme d’horreur », « une orgie sans précédent de violences et de pillages », a témoigné Hervé Cheuzeville, un travailleur humanitaire.
Durant le procès, un homme a ainsi expliqué comment son frère avait été amputé de l’avant-bras puis exécuté après avoir été incapable de manger son oreille sectionnée ; des femmes ont livré le récit de viols par des soldats, souvent collectifs et sous les yeux de parents, d’époux, d’enfants. Les victimes étaient majoritairement nande ou pygmées bambuti, groupes ethniques accusés par les assaillants de pencher du côté d’une faction rivale.
Trois chefs de guerre, Thomas Lubanga, Germain Katanga et Bosco Ntaganda, ont certes été condamnés par la Cour pénale internationale, mais aucune cour nationale étrangère n’a jusqu’à présent condamné quelqu’un pour des atrocités commises dans l’est de la RDC.
Rôle d’un chef « politico-militaire »
Durant l’enquête, Roger Lumbala, éphémère ministre en 2004, s’est présenté en homme politique sans prise sur le champ de bataille. Faux, a répliqué Claire Thouault, avocate générale : Roger Lumbala a rempli « le rôle d’un chef politico-militaire ». Il « avait une position d’autorité » sur ses troupes, se vantait dans la presse de conquêtes militaires, posait en uniforme, tenait des meetings, avait « connaissance des exactions » pour lesquelles il a d’ailleurs pu s’excuser auprès de la population.
Au-delà de son inaction pour que cessent les atrocités, il y « a aussi directement participé » en assurant « un financement pour l’armement et le ravitaillement basique des troupes », avec le fruit du racket, selon la magistrate.
« Séparer le politique du militaire », c’est une « escroquerie intellectuelle », renchérit Nicolas Péron, autre avocat général : l’opération « Effacer le tableau » était « pensée, planifiée, dirigée » par « des politiciens ambitieux », en lien avec des militaires.










