La saison sèche touche à sa fin, Mayotte n’aura pas connu, cette année, une crise de l’eau aiguë semblable à celle de 2023. Mais les quelque 320 000 habitants du département français situé dans le canal du Mozambique n’en ont pas fini avec les pénuries d’eau. Le robinet ne coule pas un jour sur trois et les coupures sont rallongées depuis lundi, passant de vingt-six heures à trente heures tous les deux jours. Les alertes sur des « coupures techniques en raison des niveaux d’eau insuffisants dans les réservoirs » sont quasi quotidiennes. La situation perdurera jusqu’à la mi-2026. A cette date, espère le syndicat mixte Les Eaux de Mayotte (LEMA), doit entrer en service la seconde usine de dessalement d’eau de mer de l’île.
Considérée comme la solution « la plus efficace » face à l’urgence des besoins, cette infrastructure suscite toutefois de vives critiques de plusieurs associations environnementales locales qui alertent sur les rejets de saumure dans le lagon et les dégâts dans les mangroves, tout en dénonçant le calendrier d’un projet mené à marche forcée.
Le 4 octobre, le syndicat mixte, maître d’ouvrage, a adressé à la préfecture de Mayotte une demande d’autorisation environnementale, préalable au lancement du chantier. Les marchés de construction et d’exploitation de l’usine ont été notifiés, fin août, à deux groupements d’entreprises. Ce projet avait été annoncé au cœur de la crise de l’eau, en novembre 2023, par Philippe Vigier, alors ministre délégué aux outre-mer, dans le cadre d’un plan sur trois ans visant à rattraper des investissements indispensables dans l’île.
Située sur la côte est de l’île, à Ironi Be, cette usine, d’un coût de 94 millions d’euros, doit produire plus de 10 000 mètres cubes d’eau potable par jour. De quoi combler le déficit qui perdure depuis des années. Les installations actuelles produisent péniblement 39 500 mètres cubes par jour, quand la consommation de l’île est estimée à 45 000 mètres cubes, en augmentation de 5 % par an. « Cet ouvrage, qui augmentera la capacité de production de l’île de 25 %, est absolument nécessaire pour sortir de façon durable le territoire de la crise de l’eau », affirme Ibrahim Aboubacar, directeur général des services des Eaux de Mayotte. Avant de vouloir rassurer : « Nous sommes conscients des impacts et nous nous attachons à les compenser. »
Un « projet à hauts risques »
Militant écologiste de longue date dans l’île, Michel Charpentier choisit ses mots pour parler d’un sujet ultrasensible. Le président des Naturalistes de Mayotte dit avoir conscience des enjeux face aux « besoins impérieux en eaux » et du risque de revivre une crise aiguë. Mais impossible pour lui de taire ses « doutes » devant cette usine, un « projet à hauts risques ». Très partagées, les associations ont finalement décidé de ne pas déposer de recours contre la procédure d’urgence à caractère civil exonérant le projet de la procédure d’évaluation environnementale. « Nous prenons soin de ne pas vouloir apparaître comme les écolos qui veulent torpiller ce projet, précise M. Charpentier. Mais nous pensons qu’il est mal parti. Nous disons à l’Etat : prenez vos responsabilités. »
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