A Bulengo, chaque hutte bâchée – parmi les dizaines de milliers que comptent cet immense camp de la détresse – héberge une parcelle de l’histoire violente qui s’écrit dans la province du Nord-Kivu, à l’extrême est de la République démocratique du Congo (RDC), depuis novembre 2021. Celle qui décrit l’exode de familles sans cesse plus nombreuses jetées sur les routes au fur et à mesure des conquêtes militaires rebelles, posant d’un jour à l’autre leur matelas sur un terrain inhospitalier hérissé de pierres volcaniques. Toujours un peu plus loin de leur habitat initial. Ils sont nombreux à n’avoir cessé de fuir l’avancée de troupes rwandaises et de leurs affidés locaux du M23 jusqu’aux faubourgs de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.
Aussi, quand la tornade rebelle s’est abattue jeudi 23 janvier sur Saké, dernier verrou avant Goma, tous ces déplacés se sont trouvés piégés. Ils avaient déjà touché le fond du cul-de-sac scellé par les rives du lac Kivu, infranchissable. Il n’y avait plus, cette fois-ci, d’espoir d’une nouvelle fuite en avant désespérée. On pouvait donc craindre le pire pour ces damnés, serrés tentes contre tente, placés, à l’ouest de la ville, sur l’axe principal de l’offensive vers Goma. Il y avait de quoi s’inquiéter. Les forces conquérantes avaient-elles pourchassé entre les tentes les miliciens locaux, dits wazalendo, dont les familles déplacées vivent là, pour certains ? Combien d’obus de mortiers s’étaient-ils abattus sur les abris de fortune abritant, pour le camp de Bulengo, près de 40 000 ménages, soit environ 250 000 personnes ?
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