La première prise de parole publique du président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, se faisait attendre depuis qu’une offensive du groupe armé antigouvernemental M23 dans l’est du pays a conduit notamment à la prise de Goma, grande ville de plus d’un million d’habitants, à l’issue d’une offensive éclair de quelques semaines au côté de troupes rwandaises.
Après avoir annulé une réunion de crise avec le président rwandais, Paul Kagame, le chef de l’Etat congolais s’est enfin exprimé, mercredi 29 janvier, dans une allocution retransmise en direct à la télévision. « Une riposte vigoureuse et coordonnée contre ces terroristes et leurs parrains est en cours », a affirmé Félix Tshisekedi. « L’est de notre pays, en particulier les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, fait face à une aggravation sans précédent de la situation sécuritaire », a-t-il ajouté. Selon lui, les violences risquent de conduire « tout droit à une escalade » dans la région des Grands-Lacs.
Les combattants du M23 et leurs alliés rwandais sont entrés dans Goma dimanche soir. La ville, coincée entre le lac Kivu et la frontière avec le Rwanda, était déjà encerclée depuis plusieurs jours. Mais après des jours de combats intenses, le calme est revenu mercredi. Dans les rues, beaucoup de corps gisent au sol, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse et des habitants. Des cartouches sur la chaussée témoignent de l’intensité de l’affrontement.
Les affrontements à Goma ont fait plus de 100 morts et près d’un millier de blessés, d’après les hôpitaux. Selon les Nations unies (ONU), plus d’un demi-million de personnes ont été déplacées depuis début janvier par les combats.
Kinshasa dénonce « l’inaction » de la communauté internationale
L’avancée fulgurante du M23 et des forces rwandaises a provoqué de nombreux appels à cesser les combats. L’ONU, les Etats-Unis, la Chine, l’Union européenne et l’Angola ont notamment demandé à Kigali de retirer ses troupes. Le président de la RDC a néanmoins pointé du doigt, mercredi soir, la communauté internationale. « Votre silence et votre inaction [face à] la barbarie du régime de Kigali (…) constituent un affront » à la RDC, a-t-il lancé.
Au mépris de la pression internationale qui s’accroît, le M23 a ouvert, mercredi, un nouveau front s’emparant, selon des sources locales, des villages de Kiniezire et Mukwidja dans la province du Sud-Kivu, voisine de celle du Nord-Kivu dont Goma est la capitale. Avec cette nouvelle avancée, que ni l’armée congolaise, ni le gouvernement de Kinshasa n’ont confirmée, la capitale provinciale de Bukavu et l’aérodrome non loin pourraient se retrouver menacés.
L’ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands-Lacs, Vincent Karega, a averti mercredi que le M23 « va continuer » d’avancer dans l’est de la RDC. Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller les nombreuses richesses naturelles de cette région, alors que le Rwanda, qui dément, dénonce la présence côté congolais de groupes hostiles.
Des manifestants en colère contre plusieurs pays accusés d’inaction ont attaqué des ambassades dans la capitale, Kinshasa, à l’autre bout du territoire, ce que Félix Tshisekedi a condamné mercredi soir. « Je condamne avec la plus grande fermeté les actes de vandalisme et de pillage qui ont visé certaines missions diplomatiques accréditées en République démocratique du Congo », a-t-il déclaré.
L’EAC annonce un sommet « dans les prochains jours »
La Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC), réunie en sommet extraordinaire a « fermement exhorté » le gouvernement congolais à parler avec « tous les acteurs, dont le M23 et d’autres groupes armés qui ont des doléances ».
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A la mi-décembre 2024, une rencontre entre les dirigeants congolais et rwandais, prévue dans le cadre d’une médiation angolaise, avait été annulée à la dernière minute. M. Tshisekedi était venu, mais pas M. Kagame. Le M23, qui contrôlait déjà de larges pans de la région congolaise du Nord-Kivu, a ensuite continué d’avancer vers Goma. Kinshasa a dénoncé ces derniers jours une « déclaration de guerre du Rwanda », et souligné vouloir « éviter le carnage » à Goma.
S’exprimant pour la première fois depuis l’entrée du M23 dans Goma dimanche, M. Kagame a annoncé tôt mercredi, sur X, avoir discuté avec les Etats-Unis de la « nécessité d’assurer un cessez-le-feu dans l’est de la RDC et de s’attaquer aux causes profondes du conflit une fois pour toutes ».
Dans son communiqué, l’EAC annonce un « sommet conjoint EAC-SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe] pour débattre de la marche à suivre (…) dans les prochains jours », sans donner plus de détails.