Le père d’un entrepreneur qui a fait fortune dans les cryptomonnaies a été enlevé à Paris samedi, avant d’être libéré samedi par la BRI, au terme d’une fiévreuse enquête.
Ses ravisseurs lui avaient sectionné le doigt et réclamaient des millions d’euros de rançon en cryptomonnaies.
Recoupement des informations, localisation du pavillon, puis assaut : le patron de la PJ parisienne retrace sur LCI les « 58 heures » qui ont permis aux enquêteurs de lui sauver la vie.
« Tout se joue dans les premiers instants. » En deux jours, les enquêteurs sont parvenus à libérer un riche homme d’affaires et père d’un entrepreneur multimillionnaire spécialisé dans les cryptomonnaies, qui avait été enlevé en pleine rue à Paris (nouvelle fenêtre), jeudi 1ᵉʳ mai. Au terme d’une longue traque, ils réussissent à le localiser dans une maison de Palaiseau, dans l’Essonne, avant de le délivrer samedi soir, retrace sur LCI ce lundi le directeur de la police judiciaire (PJ) de la préfecture de police de la capitale, Fabrice Gardon.
Quelques mois à peine après le kidnapping du pionnier des cryptomonnaies David Balland (nouvelle fenêtre), le sexagénaire avait été enlevé au vu de tous puis embarqué dans une camionnette, avant que sa trace ne soit perdue. Le début d’un long travail d’enquête, réunissant une « task force » de plusieurs services : la Brigade de répression du banditisme (BRB), la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), la Brigade de Lutte contre la CyberCriminalité (BL2C)… « On prend l’affaire tout de suite très au sérieux, tout se joue dans les premiers instants. (…) Il faut tout de suite se lancer sur les bons rails », explique le patron de la PJ, dans la vidéo en tête d’article.
Un assaut déclenché sous haute tension… finalement payant
Au total, une centaine d’enquêteurs sont dépêchés et les différents services travaillent alors en ateliers, chargés pour certains de recouper les témoignages, les vidéos, mener des opérations sur le terrain ou traquer la criminalité en ligne. « On va développer tout un tas d’investigations qui vont nous faire collecter des données colossales (nouvelle fenêtre)« , retrace Fabrice Gardon. « La question, c’est comment on s’organise pour retrouver la petite aiguille dans cette immensité de données », poursuit-il, d’autant que les malfaiteurs ont été « très prudents » et ont bien veillé à effacer leurs traces.
Ces derniers avaient exigé pour rançon « plusieurs millions d’euros » au fils de leur victime, sous formes de cryptomonnaies. Pour accroître la pression, ils avaient sectionné le doigt de l’homme, un mode opératoire déjà utilisé lors de l’enlèvement de l’entrepreneur David Balland en janvier dernier, kidnappé dans le Cher et libéré par le GIGN (nouvelle fenêtre). Les enquêteurs craignent alors que la situation n’empire, redoutant « une nouvelle mutilation » : les ravisseurs fonctionnaient « par ultimatum », et « on s’approchait du prochain, on était très inquiet pour la victime », rembobine Fabrice Gardon.
Ils arrivent alors à identifier un pavillon loué dans la ville de Palaiseau, et soupçonnent les malfaiteurs d’y séquestrer le sexagénaire. Néanmoins, ils ne sont pas certains qu’il s’agit bien de cette maison… Mais le temps presse. « Sans être sûr à 100% que c’était là, il fallait prendre une décision. C’est un peu un fusil à un coup. Si on se trompe de maison, cela peut avoir des conséquences dramatiques », insiste le directeur de la PJ. Mais « ce risque, on l’a pris » : il décide de « donner le go » de l’assaut, avec la validation de la procureure de la République de Paris Laure Beccuau.
Les policiers s’équipent alors, « plus personne ne parle, on est tous en attente », et 20 minutes plus tard, ils entrent dans la maison, sous très haute tension. Soudain, le chef de la BRI lance « jackpot ! » : dans le jargon policier, « cela veut dire qu’on a sauvé l’otage (nouvelle fenêtre)« , se félicite Fabrice Gardon. « On est tous extrêmement soulagés, tous les enquêteurs ont la banane. Malgré deux jours et demi quasi sans sommeil, c’est un immense moment collectif », lâche-t-il. L’enquête aura pris « 58 heures », un délai « assez court », fait-il remarquer.
Les cryptomonnaies, un univers de plus en plus visé car « beaucoup moins régulé »
La victime est retrouvée ligotée, dans un état de santé préoccupant, avec le doigt sectionné. Elle est prise en charge par les secours. Deux hommes sont quant à eux interpellés dans la propriété, puis deux autres dans la foulée, qui se trouvaient près de la maison. Des armes, notamment blanches, ont été retrouvées. Pour l’heure, il est « trop tôt » pour dire si ces individus auraient commandité ou plutôt exécuté cet enlèvement. L’enquête le dira : quatre personnes âgées de 20 à 26 ans, ainsi qu’un complice, ont été placés en garde à vue. La BRB a par ailleurs procédé à l’arrestation d’une sixième personne, a appris TF1/LCI.
Une enquête a été ouverte pour arrestation, enlèvement, séquestration et détention arbitraire avec torture ou acte de barbarie et pour obtenir l’exécution d’un ordre ou d’une condition, extorsion avec arme, en bande organisée. Ils sont aussi inquiétés pour participation à une association de malfaiteurs criminelle.
Selon Fabrice Gardon, ses services se sont de plus en plus préparés ces dernières années à ce type d’enlèvement, avec demande de rançons en cryptomonnaies (nouvelle fenêtre). Pour cause, le système est prisé par les réseaux de criminalité, car il permet « des transferts de fonds très rapides » mais aussi un « blanchiment beaucoup plus facile qu’une somme en argent liquide ». « C’est un univers beaucoup moins régulé que le système bancaire classique », insiste le patron de la PJ.
Ces fonds financiers suscitent aussi les convoitises par un autre aspect : « Lorsque quelqu’un fait fortune, l’argent qui figure sur ses wallets (comptes où sont placées les sommes, ndlr) peut être visible par tout le monde. Un peu comme si vous voyiez le compte en banque de votre voisin, votre collègue », résume-t-il.