Un nouveau chapitre des gesticulations protectionnistes de Donald Trump est en train de s’écrire. Après les taxes sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, remises à plus tard, après les 10 % de droits de douane additionnels sur les produits chinois et bientôt les 25 % appliqués sur l’acier et l’aluminium, le président américain a annoncé, jeudi 13 février, qu’il allait imposer des « droits de douane réciproques » pour rétablir l’« équité » dans les relations commerciales entre les Etats-Unis et le reste du monde.
« S’ils nous imposent un droit de douane ou une taxe, on leur impose exactement le même niveau de droit de douane ou de taxe, c’est aussi simple que ça », a-t-il expliqué. M. Trump part du principe que les Etats-Unis auraient ouvert naïvement leur marché, alors que les autres pays multiplieraient les barrières à l’entrée, sous la forme de droits de douane supérieurs, de subventions ou de manipulation des taux de change. La réponse consiste à appliquer la loi du talion, au mépris des règles élaborées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
A rebours des convictions paranoïaques de M. Trump, les principes de l’OMC visent à adopter un traitement différencié en fonction du niveau de développement du pays, les plus pauvres ayant besoin de davantage de protection ou de conditions d’exportation préférentielles. La remise en cause de ce principe risque d’avoir de lourdes conséquences sur les économies les plus fragiles, en stoppant le rattrapage économique amorcé ces dernières années.
Instaurer une loi de la jungle
Que le statut de la Chine au sein de l’OMC pose problème est une évidence. La deuxième économie du monde n’est plus un pays en développement et n’a plus à bénéficier du même traitement différencié dont elle jouissait au moment de son adhésion. En revanche, s’en prendre aux pays les plus vulnérables sous prétexte de réciprocité avec la plus grande puissance du monde revient à instaurer une loi de la jungle que l’OMC était censée prévenir. La situation est d’autant plus alarmante pour ces pays qu’elle intervient dans la foulée du démantèlement de l’agence d’aide au développement américaine décidé par Donald Trump.
Il est également question d’appliquer des droits de douane aux pays qui disposent d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L’Union européenne est clairement visée, M. Trump considérant que cet impôt constitue une barrière aux exportations américaines. Le raisonnement est absurde. La TVA ne crée aucune distorsion, dans la mesure où elle s’applique à tous les produits, ceux fabriqués localement comme ceux qui sont importés.
Les modalités d’application de ces mesures seront connues le 1er avril. Leur mise en œuvre s’annonce extrêmement complexe. On ne sait pas encore clairement s’il s’agit d’une méthode d’extorsion pour obtenir des concessions de tel ou tel pays ou bien d’une politique assumée. En attendant, les Etats-Unis ne font qu’ajouter un facteur d’incertitude à partir d’une argumentation biaisée dont les effets espérés (réduction du déficit commercial, réindustrialisation et financement du déficit budgétaire) ont peu de chance de se réaliser.
En revanche, les effets induits sont évidents. Un droit de douane agissant comme une taxe sur le consommateur américain, l’inflation risque de repartir de l’avant, tandis que, pour le reste du monde, l’effet sera récessif. Le protectionnisme prôné par Donald Trump est peut-être efficace sur le plan électoral mais, sur le plan économique, il ne fera que des perdants.