L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
Il existe d’infinies façons de hanter comme d’être hanté. Faux film de fantômes, vraie mosaïque de présences, le premier long-métrage de la Sino-Américaine Constance Tsang, 33 ans, prix French Touch du jury de la Semaine de la critique, à Cannes, en mai 2024, pourrait reprendre à son compte cet adage. Blue Sun Palace s’attache à observer ces traces que chacun dépose dans la vie des autres, dans un travail impressionniste, comme à l’estompe, sur les coalitions secrètes de l’espace et de la mémoire.
Le film se déroule presque intégralement dans un salon de massage, à New York, dans le quartier de Flushing, où les travailleuses immigrées, chinoises et taïwanaises d’origine, forment une sorte de pension féminine, presque sans extériorité, partagées entre les séances avec les clients, les tâches quotidiennes, les repas, et parfois les amours avec quelque prétendant venu de l’extérieur, à la dérobée – les règles sont strictes, mais on sait s’arranger avec elles.
La première belle idée du film tient à son trouble géographique. Se focalisant sur la diaspora chinoise et des dialogues en mandarin, Constance Tsang repousse au-dehors le New York actuel et reconnaissable, dont les signes se réduisent à des indices épars – notamment l’anglais parlé par les clients du salon. Voilà bien la première hantise à l’œuvre : la Chine et les Etats-Unis se superposent tout en se tenant à distance. Si le film est bien une production américaine indépendante, le regard exercé, lui, se détourne de l’Occident, pour emprunter des rythmes et des jeux de distance extrême-orientaux.
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