« Oh le beau jour encore que ça aura été », répète, dans Oh les beaux jours, de Samuel Beckett, Winnie, héroïne enfermée dans son mamelon de terre. « Encore une journée divine » semble lui répondre, en écho, Robert, le psychanalyste interné en hôpital psychiatrique qui monologue sous la plume de Denis Michelis, dont le roman (paru aux Editions Noir sur blanc en 2021) est adapté et mis en scène par Emmanuel Noblet, aux Bouffes parisiens.
La réclusion d’un personnage, ses divagations, ses interprétations falsifiées d’une réalité incertaine : ces ingrédients communs à Beckett et à Michelis sont de passionnants carburants de théâtre. Assez stimulants pour convaincre un acteur de réapparaître sur les planches après vingt-cinq ans d’absence. Délaissant les écrans de cinéma, le comédien François Cluzet fait ainsi son grand retour au théâtre. Une aventure qu’il n’entreprend pas à moitié, puisqu’il occupe seul le plateau pendant près d’une heure vingt. La prise de risque est à saluer, d’autant que le rôle n’a rien de douillet.
Hautes parois grises, lits d’hôpital, le décor est livide et l’ambiance réfrigérante. Personne à l’horizon pour donner la réplique au thérapeute malade, sauf un médecin et une infirmière dont les existences ne sont sans doute que le fruit de son délire, les deux étant aussi invisibles que mutiques. Mais Robert, phraseur roué qui ne lâche jamais le volant de la parole et fait les questions et les réponses, n’a besoin que de son imagination et de sa mégalomanie pour construire ses mondes idéaux et y travestir la vérité des faits.
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