A la sortie de l’hiver, lorsque la saison des fraises battait son plein dans la bande de Gaza, la ferme d’Akram Abou Khoussa et de ses frères était une attraction touristique populaire. Leur hectare et demi de terre tout au nord, à Beit Lahya, avait des airs de paradis champêtre, loin du dense tissu urbain de Gaza. Avant les attaques du Hamas, le 7 octobre 2023, les familles venaient y siroter un jus de fraise ou déambuler dans les champs. La famille cultivait concombres, tomates, pastèques, melons et pommes de terre, mais elle tirait la plupart de ses revenus des fraises. Akram Abou Khoussa en produisait une quarantaine de tonnes par an, qu’il vendait jusqu’à 30 shekels (7,50 euros) le kilo hors du marché local au pic de la saison. Depuis 2015, la fraise était l’un des fruits autorisés à l’exportation dans l’enclave palestinienne sous strict blocus israélien. Elle inondait les étals de Cisjordanie – 185 hectares étaient réservés à sa culture à Gaza, principalement à Beit Lahya.
« On vivait très bien. On n’a jamais manqué de fraises, on en congelait une partie », résume l’agriculteur, joint au téléphone par Le Monde depuis le centre de Gaza, où il a été forcé d’évacuer avec sa famille. Les autorités israéliennes interdisent l’accès de la bande de Gaza à la presse depuis vingt et un mois. « Au début de la guerre, la ferme a été détruite, les champs, ma maison et celles de mes frères. » Le fermier de 58 ans a fui avec les siens dans les premiers jours qui ont suivi le 7-Octobre. Ses terres, à 2 kilomètres à peine du territoire israélien, étaient particulièrement exposées. Beit Lahya, ville d’un peu moins de 100 000 habitants, a été méthodiquement vidée de sa population et largement détruite par l’armée israélienne. Les images satellites montrent des quartiers entiers rasés. Le vert des champs en lisière de Gaza a disparu – l’ensemble de l’enclave est grisâtre, couleur des ruines.
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