« Ça a été un carnage », souffle Maurice, un ressortissant français d’une trentaine d’années, installé depuis deux ans en Haïti, qui n’a pas souhaité donner son nom de famille. Ce trentenaire originaire de la Martinique a dû quitter précipitamment, mardi 19 novembre, son appartement de Delmas, une commune résidentielle de l’agglomération de Port-au-Prince, la capitale du pays. Dans la nuit de lundi à mardi, des affrontements particulièrement violents ont fait rage dans son quartier de Bourdon et dans la commune voisine de Pétion-Ville, entre des membres des gangs qui contrôlent 80 % de l’agglomération de 4 millions d’habitants, les forces de l’ordre et des groupes Bwa Kale, des milices d’autodéfense constituées de riverains.
Cette nuit-là, les policiers ont intercepté « deux camions de bandits » dans ce secteur jusqu’ici relativement épargné par la violence, poursuit le Martiniquais, qui dit avoir « entendu des détonations » aux abords de son domicile. Plusieurs membres présumés de gangs ont été tués sur place par les policiers durant l’opération de lundi soir. D’autres ont alors tenté de s’enfuir à pied, mais ceux qui ont été rattrapés par la population se sont fait lyncher. Mardi, un porte-parole de la police nationale haïtienne faisait état de 28 bandits tués.
Aux abords de l’hôtel Royal Oasis, établissement quatre étoiles de Pétion-Ville, « des cadavres brûlés, découpés à la machette, jonchaient le sol, témoigne Maurice. On a dû fuir ». Avec quelques connaissances, le trentenaire s’est d’abord réfugié « dans les montagnes au-dessus de Port-au-Prince », avant de prendre un hélicoptère, mercredi, pour Cap-Haïtien, la grande ville du nord du pays, plus sûre que la capitale. Aux yeux du rescapé, la situation actuelle est plus grave que durant le premier déchaînement de violence qu’avait connu Port-au-Prince en début d’année, lorsque plusieurs gangs avaient uni leurs forces pour faire tomber le gouvernement. « Les combats se déroulaient dans les zones défavorisées du bas de la ville, explique-t-il. [Maintenant,] tout le monde est pris au piège à Port-au-Prince. »
« Aggravation de la situation »
Dans la capitale haïtienne, la violence et l’impunité font partie du quotidien depuis plusieurs années, mais, selon le bilan publié mercredi par les Nations unies, la semaine du 11 novembre a été cauchemardesque dans toute l’agglomération. « Au moins 150 personnes ont été tuées, 92 blessées et environ 20 000 ont été contraintes de fuir leur domicile durant la semaine écoulée », expliquait l’ONU dans un communiqué. « La récente flambée de violences dans la capitale haïtienne est le signe d’une aggravation de la situation », s’est inquiété Volker Türk, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, cité dans ce communiqué.
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