L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
A chaque nouveau film de Robert Guédiguian, le même insidieux syndrome se réveille dans la tête du critique, grevé à chaque fois de quelques années qui s’ajoutent dans la balance. Voici, en effet, quarante-cinq ans que le réalisateur, manière de Pagnol marxiste, tourne (à quelques rarissimes expressions près) ses films à Marseille, régulièrement au quartier de l’Estaque dont il est natif, en restant fidèle à la même troupe d’acteurs.
Le noyau dur – Gérard Meylan et sa mine couturée de beau gosse-mauvais garçon, Ariane Ascaride, tragédienne des calanques au sourire à décrocher la lune – était au cœur de ce premier film magnifique, épuré et poétique, désœuvré et rageur, que fut Dernier été (1981). Jacques Boudet (1935-2024), Pierre Banderet, Jean-Pierre Darroussin, Alain Lenglet, Patrick Bonnel, plus récemment Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier, Grégoire Leprince-Ringuet viendront s’agréger à la troupe.
Or donc – nonobstant les variations inhérentes à une aussi déraisonnable en même temps qu’admirable fidélité – le miracle tient en un mot : l’art de ce fieffé cinéaste de nous raccrocher à chaque fois à un récit que l’on pourrait être enclin à supposer qu’il sera peu ou prou le même, interprété par les mêmes acteurs jouant sensiblement le même petit peuple de gens simples. Le plus fort, c’est que c’est bien le cas, mais qu’on ne s’en aperçoit qu’à peine. La raison tient au fait que Robert Guédiguian, dribbleur sensitif, sait à merveille bouger son jeu. On est ainsi avec La Pie voleuse dans le retour d’une petite forme revendiquée, baignant dans la simplicité argumentative de la fable.
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