A Shuitou, en Chine, jeudi 10 avril, ils sont des dizaines de fabricants à avoir reçu cet e-mail laconique de la part de Maersk, le géant du transport maritime : « En raison de l’impact des barrières douanières entre la Chine et les Etats-Unis, le client xx [le nom de la chaîne importatrice a été anonymisé] a décidé de suspendre sa livraison cargo jusqu’à nouvel ordre, avec effet immédiat. Aucun conteneur ne devra être expédié vers son terminal portuaire. Ceux en cours de remplissage devront être vidés sur-le-champ. »
Les barrières douanières de 145 % décrétées ce jour-là par la Maison Blanche ont assommé cette petite ville-usine de l’est de la Chine, dans la province du Zhejiang, presque entièrement tournée vers l’export d’articles pour chien et chat. Dans un article du magazine chinois Sixth Tone de 2023, il est dit que quatre propriétaires américains d’animaux domestiques sur cinq disposent d’une laisse ou d’un jouet fabriqué à Shuitou.
Depuis quinze ans, cette ville de 120 000 habitants respire au rythme des chiens et chats américains et européens. Une reconversion radicale après trente années dans l’industrie du cuir et un coup d’arrêt. En août 2003, Shuitou s’est retrouvée sur une liste recensant les dix sites les plus pollués de Chine. En cause : son industrie de tannerie dont les eaux usées, gorgées de chrome, se déversent impunément dans la rivière. Les récoltes alentour sont devenues médiocres, de nouvelles maladies apparaissent, les jeunes hommes échouent aux tests physiques d’entrée dans l’armée. Sommées d’agir, les autorités locales font fermer près d’un millier de tanneries familiales. Les plus grosses, huit à peine, se maintiennent, après une sévère mise en conformité.
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