Une pièce géniale entre au répertoire de la Comédie-Française : Le Suicidé, satire grinçante et drôle de la Russie stalinienne, écrite par l’auteur Nicolaï Erdman (1900-1970) en 1928. Eric Ruf, l’administrateur de la maison de Molière, qui est aussi scénographe, signe le décor de cette nouvelle création, à voir à partir du vendredi 11 octobre, salle Richelieu, à Paris. Nous avons suivi pendant plusieurs mois la production de ce décor de A à Z, de la conception à l’installation sur le plateau.
31 janvier. J − 254. Les joies de la maquette
Un matin froid d’hiver, la Comédie-Française bruisse de l’excitation qui accompagne les nouveaux projets. Sous la coupole de verre et de métal, cocon en plein ciel surplombant la salle Richelieu, l’ensemble des métiers de la maison est réuni pour découvrir la maquette du décor qui sera réalisé pour Le Suicidé, de Nicolaï Erdman, mis en scène par Stéphane Varupenne. La première du spectacle est programmée pour le 11 octobre. « C’est toujours un moment très symbolique, très joyeux », dit Eric Ruf. L’administrateur de la Comédie-Française, en plus d’être acteur et metteur en scène, est aussi un scénographe reconnu, et c’est lui qui a conçu le décor de cette nouvelle production.
« Mais c’est aussi un moment important sur un plan beaucoup plus concret, ajoute-t-il. Tout part de la maquette, pour la construction d’un décor, et elle doit être la plus précise possible, sinon on le paie plus tard, avec des retards de production. » Voilà donc l’objet, une boîte noire comme une maison de poupée, qui reproduit, à l’échelle 1/33, les proportions de la cage de scène de la Comédie-Française. Un décor à géométrie variable, avec ses fonds et ses doubles-fonds, dont Eric Ruf manipule les éléments, notamment les pièces de mobilier grandes comme des boîtes d’allumettes, avec un plaisir évident.
A l’heure de la 3D, il fait partie des scénographes qui continuent à fabriquer leurs maquettes eux-mêmes, entièrement à la main. Il les bricole dans son grand bureau d’administrateur général, où s’entassent, dans un coin, colle et peinture en bombe, bouts de bois et de carton, ciseaux et cutters. « J’ai besoin de cette dimension artisanale, sensible, qui s’accorde mieux aux décors que je conçois, qui ont toujours un côté de bric et de broc. Et j’ai besoin de construire la boîte pour prendre la mesure de l’espace à remplir. La 3D est encore peu utilisée pour les maquettes de théâtre : elle est géniale pour les équations techniques, mais peu disante pour les matières et les couleurs. »
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