Les habitants de l’oblast de Soumy, en Ukraine, avaient bien remarqué, avant le déclenchement de l’incursion ukrainienne en Russie, une certaine frénésie et un nombre plus important qu’à l’accoutumée de convois militaires sur les chemins forestiers, non loin de la frontière avec l’oblast de Koursk. Mais si les signes étaient là, personne – pas plus les Ukrainiens que les Russes – n’aurait pu deviner que les troupes de Kiev franchiraient, à l’aube du 6 août, la ligne de démarcation, toute proche, pour pénétrer sur le sol de la Fédération de Russie. La majorité des soldats expérimentés déployés dans la zone n’ont d’ailleurs été eux-mêmes prévenus de l’objectif que la veille de l’opération. Le secret avait été bien gardé.
La ville de Soumy s’est alors vite transformée en point de passage obligé pour des milliers de militaires ukrainiens roulant à toute vitesse dans des véhicules et des blindés recouverts d’un triangle blanc, symbole de cette offensive. Pour un pays envahi et soumis à des bombardements réguliers depuis février 2022, cette transposition de la guerre sur le territoire russe a un goût de revanche. Les images de soldats marchant sur des drapeaux ennemis, paradant dans des villages russes ou faisant des prisonniers de guerre ont été partagées en masse sur les réseaux sociaux. Les enfants agitent des drapeaux ukrainiens sur la route menant à la frontière.
Puis, très vite, l’exaltation de l’offensive – un moyen pour l’Ukraine, selon son président, Volodymyr Zelensky, d’arriver en position de force lors de futures négociations avec la Russie – a fait place à l’inquiétude. Si une partie de la population se réjouit, elle craint aussi les représailles russes. Les tirs d’artillerie sur l’oblast de Soumy, quasi habituels jusque-là, ont été remplacés par des frappes avec des bombes aériennes guidées, dévastatrices. Et des milliers de civils, obligés d’évacuer des villages frontaliers, ont pris le chemin de l’exode.
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