Rachid Bouali a déjà largement puisé dans ses souvenirs d’enfance pour nourrir une trilogie de spectacles autobiographiques, Cité Babel (2006), Un jour, j’irai à Vancouver (2009) et Le Jour où ma mère a rencontré John Wayne (2012). Une enfance plutôt heureuse dans le quartier HLM de la Lionderie, situé à Hem près de Roubaix (Nord) et peuplé de familles venues d’Algérie, du Maroc, de Tunisie, d’Espagne, de Pologne, d’Italie, pour travailler dans les usines françaises après la seconde guerre mondiale.
Avec deux figures qui ont marqué cette période de sa vie, ses parents, tous deux originaires d’Algérie, des montagnes de la Kabylie. Dans les années 1960, son père a dû se résoudre à quitter, le premier, son pays pour échapper à la misère d’un village de bergers et pour venir travailler en France alors à la recherche de main-d’œuvre afin de faire tourner ses usines en pleine période des « trente glorieuses ». Sa femme et sa fille sont venues ensuite le rejoindre et la famille s’est progressivement agrandie avec la naissance de Rachid Bouali et d’autres enfants.
Deux événements récents sont venus ajouter une dimension plus sombre aux souvenirs de Rachid Bouali : un projet immobilier a conduit à la destruction de la cité de son enfance par les bulldozers et, à la même période, son père s’est éteint tout doucement à l’hôpital. Ces deux disparitions l’ont poussé à se replonger une nouvelle fois dans le passé et à faire revivre, le temps d’un spectacle, le lieu où il a grandi et la mémoire paternelle. Il dresse ainsi le portrait touchant de ses parents (sa mère est morte il y a quelques années) qui l’ont élevé avec amour et dans le respect du pays qui les a accueillis. Tout en gardant une nostalgie pour leur Kabylie natale. Le petit Rachid a ainsi très vite été tiraillé entre deux cultures, deux pays, la France et l’Algérie.
Passé colonial
Devenu grand, il revient, avec beaucoup d’humour et de second degré, sur les questions qu’il s’est souvent posées à l’époque : quand, à l’école, on lui parlait de « nos ancêtres les Gaulois », qui étaient-ils vraiment pour lui, fils d’immigrés algériens ? Qu’avaient-ils à voir avec la culture berbère dans laquelle baignait sa famille mais qui ne franchissait pas les murs de leur maison par souci d’intégration ? Pourquoi sa mère avait-elle des tatouages au henné sur le cou et sur les mains pour la « protéger contre le mauvais sort » comme elle le disait ? Que signifiait l’expression « de souche » employée à tout bout de champ par un voisin de leur quartier ? Comment son arrière-grand-père paternel a-t-il pu être un poilu de 14-18 et son grand-père un soldat de la seconde guerre mondiale ?
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