- Le nombre de victimes de violences conjugales augmente chaque année en France.
- Pourtant, des dispositifs existent pour accompagner les femmes qui portent plainte et les auteurs.
- Sont-ils efficaces ? Le JT de TF1 a enquêté.
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Le 20H
Le décompte du collectif féministe Nous Toutes est déchirant : depuis le début de l’année 2025, plus de 80 femmes sont mortes en France en raison de leur genre, le plus souvent sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Pourtant, l’État tente de mettre en place des actions de prévention et d’accompagnement, tant pour les victimes de violences conjugales que pour les auteurs. Proclamée grande cause du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la lutte demande des moyens colossaux.
Intervention d’urgence
Les policiers se retrouvent souvent en première ligne pour éviter les drames. Une équipe du JT de TF1 a pu embarquer avec une brigade de Toulouse, appelée ce matin-là par une femme apeurée. « Son ex serait rentré dans l’appartement, aurait commis des dégradations, serait toujours sur place et ne veut pas quitter les lieux »
, détaille une policière. Arrivé sur les lieux, l’équipage s’entretient avec la victime, en plein divorce avec son compagnon : « Monsieur me menace de partout depuis hier. Il a aussi déchiré mon tee-shirt parce qu’il a claqué la porte sur moi. »
L’homme, lui, nie avoir été violent. « Ce n’est pas vrai, je ne m’approche pas d’elle »
, répète-t-il. Déjà mis en cause pour violences conjugales, il n’a jamais été poursuivi par la justice, faute de preuves. Interpellé, il est placé en garde à vue. « Soit il est remis en liberté, soit il est déféré au tribunal. Il ne faudrait pas qu’il ressorte encore une fois et que ça aille encore plus loin cette fois-ci »
, espère le policier.
Hausse du nombre de victimes
Mais alors, comment éviter ce type de situation ? En 2019, après le Grenelle des violences faites aux femmes, le gouvernement avait promis 54 mesures-choc : places d’hébergement pour les victimes, formation d’enquêteurs spécialisés, dépôt de plainte dans les hôpitaux… 52 auraient depuis été appliquées.
Le téléphone grave danger, déployé dans toute la France depuis 2014, est devenu le dispositif le plus utilisé. Il permet aux femmes de prévenir les forces de l’ordre juste en appuyant sur une touche, si elles se sentent menacées physiquement. Le tribunal de Melun a déjà attribué 37 appareils. Chargée d’alerter la juge sur les urgences, Arany Sinnadurai, attachée de justice spécialisée dans les violences intrafamiliales, connaît le système par cœur : « S’il y a un procès où un dispositif pourra éventuellement être remis, je me mets une alerte pour le jour de l’audience. Pareil pour les libérations et les sorties de prison de certains détenus. »
Mais la tâche est immense et Arany Sinnadurai est seule pour gérer près d’un millier d’affaires par an.
En plus du téléphone grave danger, les bracelets anti-rapprochement et les ordonnances de protection ont connu ces dernières années une véritable explosion. Pourtant, le nombre de victimes de violences conjugales continue d’augmenter : de 142.310 en 2019, le chiffre est passé à 271.263 quatre ans plus tard, selon le service statistique ministériel de la sécurité intérieure. « C’est aussi lié au fait que les services de police et d’enquête traitent mieux ces affaires, au fait que les femmes ou les hommes violentés ont peut-être moins de difficulté à venir déposer plainte »
, tente la juge Sarah Galibert.
Dans la seconde qui a suivi l’excès de violence, on s’en veut tout de suite
Dans la seconde qui a suivi l’excès de violence, on s’en veut tout de suite
Sébastien, participant à un stage pour les auteurs de violences conjugales
Après avoir purgé leur peine, les agresseurs continuent souvent d’être accompagnés, notamment via des stages de plusieurs mois. Le JT de TF1 a pu exceptionnellement assister à l’un d’entre eux à Chartres (Eure-et-Loir). Devant deux conseillères pénitentiaires, ils essaient de comprendre comment la violence s’est immiscée dans leur comportement.
Sébastien est l’un des participants : « Dans la seconde qui a suivi l’accès de violence, on s’en veut tout de suite. J’aurais pu l’éviter. Je m’en veux toujours. Quelque part j’essaie de me repentir pour que ça ne se reproduise jamais »
, confie-t-il, ému. Si tous assurent que ce stage les a changés, Matthieu reste prudent : « C’est comme un alcoolique qui arrête de boire pendant 30 ans, il restera toujours alcoolique. Je n’ai pas envie de tout perdre, j’ai déjà perdu ma femme. »
Aucun chiffre n’existe sur le taux de récidive des hommes qui suivent ces ateliers. Mais pour Camille, l’une des formatrices, cela ne peut être que positif : « On sent qu’il y a des évolutions réelles certaines. Ils ont touché du doigt l’évolution positive, il ne faut pas qu’ils s’arrêtent. »
Une motivation au quotidien pour sa collègue Marie-Camille : « C’est pour ça qu’on fait ce travail. On espère que ça va leur apporter quelque chose. »
Mais elle l’admet, cela reste « une goutte d’eau au milieu de l’océan »
face au fléau des violences conjugales.
Malgré tous ces dispositifs existants, un rapport sénatorial publié le 2 juillet 2025 pointe la fragilité de leur financement. En réaction, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé espère une loi-cadre à l’automne pour regrouper toutes les mesures, actuellement dispersées dans diverses législations.