Le 11 avril 2020, Umar Khalid [un leader de l’activisme étudiant indien] m’a envoyé sur Twitter un flyer expliquant qu’en Inde plus de 15 000 centres de soins primaires ne disposaient que d’un seul médecin, sachant que l’Inde compte environ 30 000 de ces centres qui dispensent les soins les plus courants dans les campagnes. Umar était en train d’organiser une campagne en ligne pour exiger que le gouvernement Modi « fasse une priorité de la santé plutôt que de la haine ».
Le message d’Umar Khalid était accompagné d’un compliment : « Tu fais un travail formidable. » Je n’y ai jamais répondu. Nous étions dans les premiers mois, frénétiques, de la pandémie de Covid-19. L’Inde était en plein confinement et je couvrais la crise humanitaire, en particulier l’exode massif des travailleurs migrants et les attaques portées à la science.
Rappelons qu’à la date du 24 mars, lorsque les autorités indiennes ont confiné le pays, seuls 500 cas de Covid-19 avaient été rapportés dans toute l’Inde. Le gouvernement Modi a profité de la pandémie pour imposer des mesures d’urgence et museler l’opposition, notamment en cassant le grand mouvement de protestation du quartier de Shaheen Bagh, à Delhi. Ce sit-in pacifique, conduit principalement par des femmes musulmanes, dénonçait la réforme de la loi sur la citoyenneté et le projet de registre national des citoyens.
Accusés de terrorisme
Une multitude de militants de l’égalité des droits entre musulmans et non-musulmans – parmi lesquels Sharjeel Imam, Athar Khan, Abdul Khalid Saifi, Gulfisha Fatima, Meeran Haider, Shifa Ur Rehman, Mohd Saleem Khan et Shadab Ahmed – ont été arrêtés, accusés de terrorisme, emprisonnés et laissés aux oubliettes. Quelques mois plus tard, le 13 septembre 2020, ce fut au tour d’Umar Khalid d’être incarcéré. Et le temps a passé.
Depuis, la pandémie est finie, un nouveau gouvernement a été élu, quatre présidents se sont succédé à la tête de la Cour suprême, j’ai publié un livre et déménagé de nombreuses fois. Mais ces défenseurs des droits humains, eux, sont toujours en prison. Depuis cinq ans.
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