Son chalet de Haute-Savoie, Michèle Payet l’a plus d’une fois regardé comme si c’était la dernière. Le cœur serré à l’idée que toute sa vie pourrait disparaître sous une coulée d’eau, de pierre et de boue… Le 28 mai, l’effacement en quelques instants du village suisse de Blatten, emporté par une lave torrentielle de 10 millions de mètres cubes, a une nouvelle fois réveillé cette angoisse. Le drame suisse lui a rappelé l’urgence d’une mise à jour de la « mallette », comme elle l’appelle. Dans ce petit sac, prêt depuis quinze ans, il lui faut « ajouter des photos de famille récentes et la copie de papiers », précise celle qui a résumé sa vie sur quelques clés USB, photocopies et photos, de crainte de se retrouver sans rien en quelques instants.
Cette peur, elle la traîne depuis 2010. « Huit ans après avoir fait construire dans le hameau de Bionnay, mon mari et moi avons découvert que notre chalet était sur le parcours des centaines de milliers de mètres cubes d’eau, de boue et de roches qui ont dévalé du glacier de Tête Rousse jusqu’aux thermes de Saint-Gervais-les-Bains, une nuit de 1892, tuant 175 personnes. Découvrir qu’on vivait sur cette trajectoire a été un choc ; une menace venue de là-haut qui m’a empêchée de dormir pendant des années », raconte l’employée municipale. S’ils « avaient su », ils auraient fait construire leur chalet ailleurs, rappelle la sexagénaire, « mais on a commencé à parler de cette catastrophe qu’en 2010, lorsque le glacier a de nouveau fait peser une menace ». Cette année-là, la découverte d’une nouvelle cavité renfermant 65 000 mètres cubes d’eau, conduit à une évacuation préventive de 3 000 personnes et à des travaux de pompage.

A cause de la fonte du glacier, malmené par le réchauffement climatique, la poche doit de nouveau être aspirée en 2011 et en 2012, avant qu’un chenal d’écoulement ne soit creusé quatre ans plus tard. Depuis, un dispositif très sophistiqué de surveillance a été installé en altitude, avec des capteurs GPS à la surface et au fond des forages ; le tout doublé d’une télétransmission permanente des relevés. « Tête Rousse est le glacier le plus surveillé au monde », se félicite même Jean-Jacques Peillex, le maire de Saint-Gervais-les-Bains, qui a mis en place un plan d’évacuation et teste tous les premiers mercredis du mois les sirènes qui jouxtent la maison de Michèle Payet. En parallèle, les chercheurs avancent pour mieux comprendre la circulation de l’eau sous ce glacier, mais le sujet reste très complexe.
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