Il est 9 heures ce matin de juin et la terre brune est encore gorgée de l’averse de la fin de la nuit dans le petit village de Moi, sur la côte de l’océan Indien, tout à l’est du Kenya. Sous un toit, huit hommes âgés sont affairés à tresser des feuilles de cocotiers. A côté d’eux, trois statuettes à faces humaines sont plantées dans le sol, des pièces de tissu nouées à leurs cous.
Ce sont des vigango, de longues planches de bois sculptées dans lesquelles se réincarne l’esprit des anciens de la communauté mijikenda, l’une des quarante-deux ethnies que compte le pays. Les « neuf tribus » (la traduction de « mijikenda ») sont réparties le long de la côte kényane, de la Tanzanie à la Somalie.
« Ce ne sont pas les vigango qui nous ont été volés, mais ceux-là y ressemblent », explique Kaingusimba Wanje, 68 ans, de longs favoris blancs aux joues : « Les vigango ne sont pas de simples morceaux de bois mais des personnes qui ont vécu et qu’on honore. Ils contiennent l’âme de nos ancêtres. Ce sont de véritables personnes. »
Depuis la fin du XIXe siècle, des milliers de vigango ont été volés au Kenya, expédiés massivement en Europe et, surtout, aux Etats-Unis. Les statuettes se sont retrouvées chez des particuliers, dans des collections privées et dans des musées. Plusieurs ont notamment atterri dans les intérieurs de personnalités de Hollywood, producteurs et acteurs de cinéma. Les comédiens Gene Hackman, Linda Evans, Shelley Hack ou encore Dirk Benedict, vu dans L’Agence tous risques, en ont eu chez eux.
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