Que donnent réellement les heures de « devoirs faits » dans les collèges, ce dispositif lancé de manière facultative en 2017 et rendu obligatoire en 6e en 2023 ? Alors que la ministre de l’éducation, Anne Genetet, propose de le renforcer en 4e et en 3e pour mieux accompagner les élèves jusqu’au brevet, ces heures d’aide aux devoirs posent de nombreuses questions.
Il y a d’abord « autant de manières de mettre en place “devoirs faits” que d’établissements », préviennent les inspecteurs et chercheurs qui ont travaillé sur le sujet. L’éducation nationale assure que, dans les 67,8 % de collèges privés et publics ayant répondu à son enquête sur le sujet au printemps, 42,8 % des élèves pratiquaient « devoirs faits » (soit 1 million d’élèves bénéficiant du dispositif, élèves de 6e compris).
Le dispositif pose une difficulté évidente : l’intervenant, qu’il soit enseignant, surveillant (AED), étudiant en service civique ou conseiller principal d’éducation, est confronté à un contenu disciplinaire qu’il ne maîtrise pas toujours. « J’ai déjà eu à faire des heures de “devoirs faits”, grince Rudy Trevet, professeur de mathématiques dans l’Aube et militant au SNES-FSU. Je devais faire réviser de la techno et de l’espagnol. J’ai fait allemand LV2, donc ça n’est pas allé bien loin. »
Disparité d’investissement des enseignants
Pour pallier cette difficulté, certains collèges prennent les devants et mettent à disposition des « fiches méthodologiques disciplinaires » ou élaborent des « banques d’exercices » à utiliser pendant les séances, rapportait l’inspection générale en 2019. « Dans certains collèges, quand vous entrez dans la salle dédiée, il y a deux classeurs, un de français un de mathématiques, avec des chemises qui contiennent des rappels de cours ou des exercices type », confirme Abdelkarim Zaid, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Lille, qui a dirigé une étude qui a visé 44 collèges de l’académie de Lille entre 2020 et 2021.
Les objectifs assignés à « devoirs faits » sont également variables. Certains collèges le pensent uniquement comme un levier de réduction des inégalités entre les collégiens qui peuvent être aidés à la maison et ceux qui ne le peuvent pas. Avec, hélas, un biais démontré par la littérature scientifique : la possibilité d’une aide aux devoirs est toujours saisie, en premier lieu, par les élèves les moins en difficultés, les moins « fâchés » avec l’école, qui sont aussi les moins fatigués le soir car la pratique scolaire leur a demandé moins d’efforts.
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