En 2015, la France a inscrit dans son code de la consommation le délit d’obsolescence programmée, une première mondiale à l’époque. Ce délit encadre les pratiques consistant à « utiliser des techniques par lesquelles un metteur sur le marché vise à réduire délibérément la durée de vie d’un produit pour en augmenter le taux de remplacement ». Il est passible de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende, voire davantage en cas de bénéfices tirés de cette pratique.
Dix ans après l’adoption de cette loi, nous faisons un constat préoccupant : aucune décision judiciaire n’a encore été rendue sur la base de ce texte, malgré des plaintes recevables et documentées déposées depuis plusieurs années.
L’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP), à l’origine de la reconnaissance de ce délit, a en effet porté plainte dès 2017 contre Epson, puis en 2022 contre Apple, et en 2024 contre HP. Ces dossiers portent sur des faits graves : bridage logiciel, limitation des capacités d’impression, information partielle du consommateur. Autant d’éléments qui, s’ils sont établis, relèveraient pleinement du champ de la loi.
Pourtant, malgré le travail d’enquête préliminaire engagé par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et les signalements relayés dans les médias, ces affaires n’ont, à ce jour, donné lieu à aucune instruction judiciaire complète, ni à aucune audience publique. Certaines sont en attente depuis plus de sept ans.
La loi ne vaut que si elle est appliquée. Ce silence pose un double problème. D’abord un problème de crédibilité de la norme. Une loi pénale sans application affaiblit l’ensemble de notre arsenal juridique. Elle crée un précédent d’impunité qui nuit à l’ensemble des textes environnementaux, sociaux ou économiques adoptés depuis. Il ne peut y avoir de protection efficace du consommateur ni de transition écologique sans effectivité des règles.
Sentiment d’injustice
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