La récente chronique de Jean Pisani-Ferry consacrée à la décroissance nous pousse à réagir collectivement, en tant que membres de la Société francophone d’économie écologique. Ecrire qu’elle est un concept flou, qu’elle n’a, « macroéconomiquement, pas de sens clair » au lendemain de la clôture de la conférence internationale organisée conjointement par l’lnternational Society for Ecological Economics et l’International Degrowth Conference, revient à fermer délibérément les yeux sur des décennies de recherche et des centaines d’articles scientifiques publiés sur le sujet.
Dire que la décroissance ne propose pas de « meilleure mesure de la performance économique » que le produit intérieur brut (PIB) et ses dérivés, c’est passer à côté du propos de ce mouvement, qui ne réduit pas la question de la mesure à un choix purement technique et entend remettre au centre du débat les finalités de l’activité économique – assurer un bien vivre collectif, qui ne se fasse pas aux dépens de l’environnement, des plus pauvres ou des générations futures.
Il n’y a pas « une » théorie macroéconomique derrière la notion de décroissance, mais une diversité d’équipes de recherche qui coexistent, échangent et renforcent les assises théoriques d’un nouveau modèle économique. Un pan entier de ces recherches est consacré à la modélisation macroéconomique de ce que serait « une transformation planifiée et démocratique du système économique afin de réduire radicalement l’impact écologique et les inégalités et d’améliorer le bien-être », pour reprendre la définition commune la plus récente de la décroissance. Certes, il reste du travail pour penser notamment les relations entre pays du Nord et du Sud. Certes, il n’y a pas un système clés en main. Mais, dans les années 1960, [Milton] Friedman, [Friedrich] Hayek et les sociétaires du Mont-Pèlerin avaient-ils autre chose que des théories, dont l’actualité nous rappelle constamment les défaillances ?
Il vous reste 72.53% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.