Est-ce vraiment une surprise ? Deux mois après la reprise des contacts entre les présidents Donald Trump et Vladimir Poutine, dont l’entretien téléphonique le 12 février devait lancer un processus de négociation censé aboutir rapidement à un cessez-le-feu en Ukraine, la guerre continue et aucune perspective d’y mettre fin n’est en vue.
De multiples péripéties politiques et diplomatiques ont émaillé ces deux mois, dont la séance honteuse du bureau Ovale, le 28 février, où le président Trump et son vice-président, J. D. Vance, ont malmené le chef de l’Etat ukrainien, Volodymyr Zelensky. Mais ni les négociateurs ni les belligérants ne semblent plus proches d’un cessez-le-feu que lors de l’arrivée du républicain à la Maison Blanche. Le « carnage » que M. Trump prétend vouloir arrêter se poursuit, sur le front et dans les villes ukrainiennes.
Vendredi 11 avril, l’émissaire du président américain, Steve Witkoff, a eu un entretien de plus de quatre heures avec le président Poutine à Saint-Pétersbourg. C’est leur troisième rencontre, mais elle ne semble pas avoir fait avancer le processus de manière décisive.
Atermoiements du président russe
La raison de cet enlisement est simple : tout en se prétendant ouvert à la négociation, M. Poutine n’entend pas mettre fin à son agression tant qu’il n’aura pas mis à genoux les Ukrainiens et leur président. Il veut assurer la domination russe sur leur pays. Lorsque ses collaborateurs expliquent que toute négociation doit d’abord s’attaquer aux « causes profondes » du conflit, c’est bien de cela qu’il s’agit : l’objectif de la guerre est d’empêcher l’Ukraine d’être un pays indépendant, démocratique, capable d’assurer sa défense et susceptible de choisir ses alliances.
En dépit des énormes pertes et de la destruction que la Russie leur inflige depuis plus de trois ans, les Ukrainiens ne sont pas disposés à se soumettre. Sur le front, leur armée résiste. Il se trouve aussi que, en dépit d’un manque probable d’enthousiasme pour ce conflit, les Russes ne sont pas prêts à se soulever. La guerre va donc se poursuivre.
La Russie, en mode économie de guerre soutenue par la Chine, produit suffisamment d’armements pour alimenter ses troupes, sans compter ceux que lui procurent la Corée du Nord et l’Iran. Approvisionnée par ses alliés occidentaux, l’Ukraine en produit de plus en plus elle-même et fait preuve d’une remarquable créativité dans le domaine des drones et des robots de combat. Aucun des deux belligérants, cependant, n’est en mesure d’infliger à l’autre une défaite décisive.
M. Trump, qui, sur son réseau social, a appelé la Russie « à se bouger », va-t-il se lasser des atermoiements du président russe, ou bien a-t-il décidé depuis le début de satisfaire à toutes ses exigences ? C’est l’inconnue que doivent gérer les Européens, délibérément écartés de la négociation par les Russes et les Américains alors qu’ils sont en première ligne.
Vendredi, à l’issue d’une réunion des alliés de l’Ukraine présidée par les ministres britannique et allemand de la défense, 21 milliards d’euros d’aide militaire supplémentaire pour Kiev ont été débloqués. Les Européens auraient tort en effet d’attendre que les choses se dénouent. Ils n’ont d’autre choix que de continuer à s’organiser pour tenter d’assurer la sécurité de l’Ukraine, soit dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu, soit dans celle d’un retrait américain. Dans les deux cas, c’est bien de leur sécurité à eux qu’il s’agit.