Avant même sa prise de fonctions à la Maison Blanche, Donald Trump tient à prendre la main sur le brûlant dossier TikTok aux Etats-Unis. Le président élu a demandé, vendredi 27 décembre, à la Cour suprême américaine de suspendre la loi qui menace d’interdiction le populaire réseau social si sa maison mère chinoise ne le vend pas.
Dans une lettre écrite par les avocats de Donald Trump et adressée à la plus haute juridiction américaine, le futur président américain dit s’opposer à cette mesure « à ce stade » et vouloir résoudre la situation « par des moyens politiques » une fois de retour à la Maison Blanche, le 20 janvier 2025, soit au lendemain de la potentielle entrée en vigueur de cette interdiction.
« Le président Trump ne prend pas position sur le fond du litige », arguent-ils. « A la place, il exhorte la Cour à suspendre la date effective d’entrée en vigueur de la mesure, afin de permettre à l’administration qui arrive de chercher une issue négociée qui éviterait une fermeture à l’échelle nationale de TikTok », ajoute la lettre.
Risques d’espionnage et de manipulation par Pékin
L’affaire a pris sa source en avril quand le Congrès des Etats-Unis a très largement voté en faveur d’une loi imposant à la maison mère de TikTok, ByteDance, de vendre ses activités américaines avant le 19 janvier 2025, faute de quoi l’application serait interdite. Elle vise à prévenir les risques d’espionnage et de manipulation par les autorités chinoises des utilisateurs de TikTok, qui en revendique 170 millions aux Etats-Unis.
TikTok a contesté à plusieurs reprises avoir transmis des informations au gouvernement chinois et a assuré qu’il refuserait toute requête éventuelle de Pékin en ce sens. Le réseau social a été débouté, le 6 décembre, de son recours contre cette législation par la cour fédérale d’appel de Washington, qui a également rejeté, le 13 décembre, une demande de suspension de la loi. TikTok s’est alors tourné vers la Cour suprême américaine – où siège une majorité de juges conservateurs – qui a accepté de se pencher sur le dossier. Cette dernière n’a pas suspendu l’entrée en vigueur de la législation, comme le lui ont demandé TikTok et ByteDance, mais elle a fixé ses débats au 10 janvier. Ils porteront sur la question de savoir si cette loi viole le premier amendement de la Constitution américaine garantissant la liberté d’expression.
Dans un document adressé vendredi à la Cour suprême, les avocats de TikTok et de ByteDance font valoir que la cour d’appel fédérale de Washington a commis une erreur dans sa décision qu’elle a fondée sur de « prétendus “risques” que la Chine puisse exercer un contrôle » sur la version américaine de l’application. Le gouvernement américain « admet qu’il n’a aucune preuve que la Chine ait jamais tenté » d’utiliser la plateforme pour diffuser ou supprimer des informations, dit le dossier juridique de TikTok, ajoutant que les craintes de Washington sont fondées sur des risques futurs.
De son côté, dans son dossier déposé vendredi, l’administration Biden déclare que TikTok « étant intégré à ByteDance et s’appuyant sur son moteur développé et maintenu en Chine », sa structure d’entreprise comporte des risques.
« Calendrier malheureux »
Dans leur recours, TikTok et ByteDance affirment également que « le Congrès des Etats-Unis a adopté une restriction massive et sans précédent de la liberté de parole ». Tout comme les avocats du président élu dans leur lettre, ils notent également que la loi doit entrer en vigueur à la veille de l’investiture de Donald Trump. « Ce calendrier malheureux entrave la capacité du président Trump à gérer la politique étrangère des Etats-Unis et à chercher une issue qui à la fois protège la sécurité nationale et sauvegarde une plateforme de réseau social qui fournit un service populaire à 170 millions d’Américains pour exercer leurs droits fondamentaux prévus par le premier amendement » de la Constitution, relatif à la liberté d’expression, avancent TikTok et ByteDance.
Le Monde
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Donald Trump a rencontré récemment le patron de TikTok, Shou Zi Chew, dans sa résidence Mar-a-Lago en Floride, et il a exprimé à plusieurs reprises son soutien envers le réseau social. Pourtant initialement opposé à l’application – il avait tenté de la faire interdire lors de son premier mandat –, le futur président américain estime aujourd’hui qu’elle lui a permis de toucher une jeune audience lors de sa dernière campagne victorieuse, et il a déclaré récemment avoir un « faible » pour elle. Le républicain voit désormais dans TikTok une alternative à Facebook et à Instagram, les deux plateformes de Meta, qui l’avaient temporairement exclu après l’assaut du Capitole par ses partisans, le 6 janvier 2021.
« Le président Trump est le seul à avoir l’expertise nécessaire pour conclure des accords, le mandat des urnes et la volonté politique pour négocier une solution afin de sauver la plateforme tout en répondant aux préoccupations de sécurité nationale exprimées par l’Etat », explique la lettre de ses avocats, versée au dossier examiné par la Cour suprême.
Dans un courrier séparé, également envoyé à la plus haute juridiction américaine, une coalition d’associations – dont la puissante organisation ACLU de défense des droits civiques – dit s’opposer à la loi, qui empiète selon elles sur la liberté d’expression des utilisateurs de l’application. « Une telle interdiction est sans précédent dans notre pays et, si elle entre en vigueur, provoquera une perturbation aux conséquences profondes dans la capacité des Américains à interagir avec le contenu et les audiences de leurs choix en ligne », écrivent-elles.
Une des solutions envisagées en cas de maintien de la législation serait que ByteDance revende ses parts à des investisseurs non chinois, une possibilité que l’entreprise a constamment repoussée. D’autant que le rachat des activités américaines, avec ses 170 millions d’utilisateurs, coûterait très cher.