Un an plus tard, elle en rigole encore, Josette Faivre (les noms et les prénoms des résidentes ainsi que ceux de leurs partenaires ont été changés). « J’allais en vadrouille en ville, comme d’habitude. Il était à l’arrêt de bus, il avait mon âge. Il m’a dit : “Vous me plaisez, vous êtes mignonne.” Je le voyais venir !, raconte la septuagénaire. A mon retour, v’là qu’il était toujours là. Il voulait que je vienne chez lui, j’ai dit : “T’as qu’à venir avec moi, toi.” On a bu un café. Dans ma chambre, il a voulu me toucher, j’ai dit : “Bas les pattes ! Les mains dans les poches !” Je l’ai ramené au bus. Mais il était pas mal, ce con. »
« Ici ? Vous l’avez amené ici ? Mais vous ne m’aviez rien dit ! », s’exclame en souriant Béatrice Sorrieul, cadre de santé. Ici, c’est une petite chambre de 12 mètres carrés de l’Ehpad Centre René-Fortin, à Bohars, sur les hauteurs de Brest. Des murs vert pâle, un lit simple médicalisé, un cabinet de toilette (il y a une douche pour vingt résidents), un placard et la télé au mur. Pas l’endroit idéal pour un moment d’intimité. Et pourtant. L’aventure qui met Josette Faivre en joie ne devrait pas être un cas isolé, estime Béatrice Sorrieul : « Un Ehpad, c’est un lieu d’habitation, de vie. Et la sexualité, ça fait partie de la vie ! »
Etablissement public adossé au CHU, René-Fortin héberge, sur trois étages, 200 personnes âgées, en majorité des femmes. Derrière sa façade défraîchie, égayée par une immense fresque colorée, le bâtiment accueille des personnes avec des pathologies lourdes, en sortie d’hôpital, mais aussi des résidentes en situation de précarité familiale ou économique. Il leur en coûte 2 100 euros par mois, éligibles à l’aide sociale, contre 3 000 à 4 000 euros dans le privé. « Des gens qui n’ont leur place nulle part ailleurs », résume la cadre de santé. Femmes de marins, anciennes commerçantes, fonctionnaires… elles arrivent après un AVC, une chute à domicile ou des pertes de mémoire qui ne leur permettent plus de rester chez elles.
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