Quand elle arrive sur le perron de l’Hôtel de Rochechouart, lundi 23 septembre, pour prendre ses nouvelles fonctions de ministre de l’éducation nationale, Anne Genetet, veste beige satinée et pantalon noir, se sait scrutée. Sa première prise de parole publique n’a pas encore eu lieu mais, déjà, une polémique est apparue à propos du choix de cette députée Renaissance, élue de la 11e circonscription des Français à l’étranger depuis 2017, pour succéder à Nicole Belloubet.
Son profil étranger à l’éducation nationale a désarçonné tout l’écosystème éducatif, des enseignants aux cadres de la Rue de Grenelle. Et il n’a fallu que quelques heures après sa nomination surprise au sein du gouvernement de Michel Barnier, le 21 septembre, pour que ne soient exhumées par les uns et les autres les traces numériques de son ancienne activité de conseil pour les expatriés recrutant des employées de maison à Singapour, où elle s’est installée en 2005.
Sur le site de l’entreprise qu’elle a fondée en 2009, Help Agency, d’aide à l’embauche et à la formation d’employées de maison, principalement d’origine philippine, on trouve ainsi des préconisations telles que : « évitez émotion et compassion », « gardez votre calme », « gardez la bonne distance : expliquez que vous ne pouvez pas faire comme elle car vous n’avez pas la même culture », « une helper qui se sent humiliée devient ingérable ; elle cherchera à changer de famille ». Ou encore : « Les employées qui n’ont connu que des familles locales, chinoises par exemple, sont souvent plus flexibles, plus attentives aux consignes et ont pour la plupart développé un grand sens du service “à l’asiatique”. »
Des syndicats « effarés »
Parmi les responsables syndicaux enseignants, on se dit « effarés » et on anticipe d’ores et déjà une ministre « déconnectée ». « Elle arrive après quatre ministres en dix-huit mois, à un moment où l’école traverse une crise très grave, et son CV est celui de quelqu’un qui vient d’un autre monde. Le fossé est énorme : comment ont-ils pu penser qu’elle pouvait être la bonne personne ? », s’interroge Sophie Vénétitay, du SNES-FSU. « On a l’impression de quelqu’un qui non seulement n’y connaît rien, mais dont les valeurs semblent en plus très éloignées du service public et de la déontologie de l’Etat », soupire également un inspecteur général, qui souhaite garder l’anonymat.
Dans l’entourage d’Anne Genetet, on assure que ces controverses « glissent sur elle », et ses proches mettent plutôt en avant son passé de médecin et ses activités bénévoles auprès des populations migrantes lors de ses années singapouriennes. La ministre s’est, quoi qu’il en soit, faite particulièrement discrète pour sa première semaine Rue de Grenelle, où elle a « ingurgité les dossiers », selon son entourage.
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