« Mais qu’est-ce que tu fais là, Emmanuel ? » Quelques semaines après l’installation de François Hollande à l’Elysée, en 2012, l’un de ses conseillers avait surpris Emmanuel Macron, alors âgé de 34 ans, le nez collé à une fenêtre du palais, observant l’arrivée des membres du gouvernement pour le conseil des ministres, comme s’il était fasciné. Ce manège s’était reproduit, si bien que ce simple conseiller s’était habitué à trouver le secrétaire général adjoint de l’Elysée, dont le bureau se trouvait pourtant à un étage supérieur, traîner dans le couloir du premier, d’où la vue sur la cour d’honneur était plus directe.
Ministre de l’économie, Emmanuel Macron s’était montré soucieux d’intégrer les codes de ce monde politique qu’il connaissait peu, tout en séduisant ses acteurs. Alors persuadé qu’il était possible de bâtir des majorités de projet, au-delà des clivages partisans, grâce au compromis parlementaire et à sa force de conviction.
En 2015, pendant l’examen de sa loi – visant à déréguler pour relancer la croissance – le ministre novice avait passé des dizaines d’heures en commission, puis « au banc », à l’Assemblée nationale, pour tenter de convaincre du bien-fondé de ses mesures, une par une. « J’ai vu des débats s’ouvrir, expliquait-il dans le documentaire Ainsi soit Macron, de Pierre Hurel, diffusé en 2017 sur France 3. J’en ai tiré une conviction forte : si on veut aller plus loin, il faut installer du consensus (…), ne pas laisser le ciment de la confrontation droite-gauche prendre. »
Mais François Hollande et son premier ministre Manuel Valls, qui redoutaient de ne pas obtenir de majorité sur un texte jugé trop libéral par une partie de la gauche, ont décidé de faire passer la « loi Macron » par le 49.3. L’intéressé en fut blessé.
Toujours devant les caméras de France 3, le jeune ministre laissait filtrer son amertume, rappelant qu’il avait obtenu un « vote majoritaire » sur chaque article mais qu’au moment du vote final, les « jeux d’appareils » étaient « ressortis », sous la pression des élections départementales qui se préparaient à droite et du congrès de Poitiers qui s’anticipait au Parti socialiste, chacun cherchant alors à « se compter ». Une preuve à ses yeux de « l’obsolescence du système » et de « la déconnexion » d’une partie de la « vie politique » avec la « réalité. » « Dans l’épaisseur du débat parlementaire, on peut construire avec des femmes et des hommes de bonne volonté, mais quand la politique redevient un théâtre, l’objet de luttes partisanes, elle construit les conditions de son propre échec », résumait-il.
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