A Clermont-Ferrand, « plus on sera nombreux, plus on pourra espérer faire bouger les lignes »
19 heures. Sous la bruine, une clameur monte parmi la petite foule qui s’est massée aux pieds de l’imposant édifice de la préfecture de Clermont-Ferrand, en pierre de Volvic : « Il est tombé » lance-t-on, comme si on parlait de la tête d’un roi. Cris, applaudissements, sifflets, fumigènes. A Clermont, ils sont environ 200 à avoir bravé la pluie, sous leur parapluie coloré, pour un « pot de départ de Bayrou », comme il s’en tient un peu partout en France, lundi, devant les mairies ou sur les places de village.
Militants associatifs, syndicaux et politiques, étudiants en keffieh, drapeaux palestiniens… La gauche locale serre les rangs. On se salue, à force de manifestations et de luttes, on se connaît tous plus ou moins. L’ambiance est bon enfant : la fanfare locale « La Révolta » joue Bella Ciao, les « Rosies » locales [troupe majoritairement féminine créée lors du premier projet de réforme des retraites de Macron en 2019] ont revêtu leur bleu de travail et leur bandana.
Claire, ergothérapeute de 50 ans, est venue seule. Elle n’est pas militante ni dans les boucles Telegram, et elle n’a assisté à aucune AG jusqu’à présent. Elle est venue grossir les rangs, « en soutien, parce que plus on sera nombreux, plus on pourra espérer faire bouger les lignes ». Parce qu’elle est « dépitée par l’absence d’écoute des citoyens ». Elle cite l’usage devenu récurrent du 49.3 et le vote de la loi Duplomb : « Tout passe en force. »
Trésorière d’Osez le féminisme 63, Ophélie Barbarin, 31 ans, ne cache pas ses inquiétudes pour la suite : « OK, Bayrou a sauté, mais si c’est pour qu’on ait Retailleau ensuite, ça n’arrangera rien à la situation de nos associations féministes, qui pallient avec des bouts de ficelles le recul de l’Etat dans les territoires ». Et de rappeler que le CIDFF (Centre de ressources, de documentation et de formation) du département a failli fermer faute de moyens suffisants. Des associations pourtant essentielles aux femmes, notamment en milieu rural.
Pédiatre retraité, de « toutes les luttes », Geneviève, 72 ans, en tenue des Rosies est particulièrement préoccupée par l’état de la démocratie. Elle en a vu, pourtant. Elle aussi regrette le « passage en force » sur la loi Duplomb et sur la réforme des retraites par « l’usage récurrent du 49.3 »… Le fait que 2 millions de citoyens aient signé la pétition demandant son retrait, au cœur de l’été, lui a toutefois redonné foi quant à l’élan citoyen.
Sur les coups de 20 heures, une militante appelle les plus motivés à poursuivre la soirée à la maison du peuple, pour une assemblée générale. Pour les autres, rendez-vous est donné dès 7 heures du matin, mercredi 10 septembre, sur les ronds-points du Brézet et des Pistes, pour une journée qui s’annonce longue. Les plus déterminés entendent bien faire du 10 le début d’une mobilisation durable. D’autres se montrent plus pessimistes quant au pouvoir citoyen, usés par toutes leurs manifestations, leurs journées de grèves et leur vote pour faire barrage ces dernières années.