Investisseurs et entreprises de défense ont cherché jeudi à Bercy un consensus sur le financement supplémentaire des entreprises de défense.
Ce dernier est rendu nécessaire par l’évolution de la position américaine vis-à-vis de l’Ukraine.
Entreprises du secteur, principaux clients, produits phares, emplois… on fait le point sur le poids de l’industrie française de l’armement.
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Réarmement : l’Europe mise au défi
À l’occasion d’un colloque porté par les ministres de l’Économie et des Armées à Bercy, institutions publiques, banques et fonds d’investissement ont annoncé jeudi plusieurs contributions financières au nouvel élan du secteur de la défense, rendu nécessaire par l’évolution de la position américaine vis-à-vis de l’Ukraine. Au total, 1,7 milliard d’euros vont être investis par les investisseurs publics français dans les entreprises du secteur de la défense afin d’aider à atteindre l’objectif de 5 milliards d’euros de financement, a annoncé le ministre de l’Économie, Éric Lombard, qui s’est rendu à l’issue de cette réunion à Bergerac avec Emmanuel Macron et le ministre des Armées Sébastien Lecornu pour inaugurer une unité de production de poudre, actant une relocalisation stratégique au moment où l’Europe souhaite se réarmer.
Alors que la France dispose d’une industrie capable d’assurer la quasi-totalité des équipements nécessaires à son armée, l’exportation est primordiale pour assurer la viabilité du modèle économique, les commandes françaises à elles seules étant insuffisantes. « Exporter nos armes est vital pour développer notre base industrielle et technologique de défense. Cela l’est tout autant pour notre balance commerciale et pour créer des emplois partout en France. Mais c’est aussi une condition de notre souveraineté », avait souligné, en janvier dernier, le ministre des Armées Sébastien Lecornu. Exportations, principaux clients, produits phares, emplois… on fait le point sur le poids de l’industrie française de l’armement.
La France, n°2 mondial des ventes d’armes
Selon les données du rapport annuel de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), la France est récemment devenue le second exportateur mondial d’armes, derrière les États-Unis. Entre 2019 et 2023, l’industrie américaine représentait ainsi 41,7% des ventes d’armes au niveau mondial, devant la France, bien que loin derrière (10,9%), la Russie (10,5%), la Chine (5,8%) et l’Allemagne (5,6%). Le dynamisme de la France se mesure en outre au travers des exportations d’armes qui ont augmenté de 47% entre la période 2014-2018 et la période 2019-2023.
Un bon résultat en partie lié à une année 2022 record. Portées par la vente de 80 Rafale aux Emirats Arabes Unis pour un peu plus de 16 milliards d’euros, les exportations françaises d’armement avaient alors battu leur record historique de prises de commandes de matériels militaires à l’export, selon le rapport au Parlement sur les exportations d’armement, révélé par La Tribune fin 2024 et dont Challenges a également obtenu copie. À titre de repère, en 2023, la France a exporté pour 8,2 milliards d’euros d’armements, contre près de 27 milliards en 2022, un chiffre supérieur de 60% au précédent record de 2015 (16,9 milliards d’euros). Avec plus de 18 milliards d’euros de prises de commandes, l’année 2024 reste encore loin du niveau record de 2022.
Les produits les plus exportés
En 2022, le secteur aéronautique représentait 65% des prises de commande tandis que celui des missiles et équipements concentrait environ 14%. À l’export, le Rafale est sans doute le produit phare de l’industrie française. L’avion de combat conçu par le groupe français Dassault Aviation séduit de nombreux pays, parmi lesquels figurent l’Égypte, l’Inde, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Indonésie, ou encore en Europe, la Grèce, la Croatie et plus récemment la Serbie. Pour rappel, Emmanuel Macron a annoncé le 18 mars dernier que les commandes de Rafales seront renforcées.
Dans l’arsenal de l’industrie française également : le sous-marin Scorpène, le canon Caesar, les frégates, les corvettes, le drone Patroller mais aussi des radars dont la production a triplé depuis la guerre en Ukraine, tenant tête aux Américains. A contrario, le char Leclerc et le véhicule blindé Griffon, très utilisés dans l’armée française, peinent à trouver preneur à l’étranger. Mais l’enjeu majeur depuis le début de la guerre en Ukraine, est aussi de produire des munitions et la France possède des usines pour cela.
Les principaux clients de la France
Comme l’indique le dernier rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, la France a livré des armes majeures à 65 États en 2020-2024. La plupart d’entre elles ont été destinées à des États d’Asie et d’Océanie (35%), suivis des pays du Moyen-Orient (28%) et d’Europe (15%). Les exportations d’armes de la France vers les États européens ont quant à elles presque triplé entre 2015-2019 et 2020-2024 (+187%). Cette forte hausse s’explique en « grande partie en raison des livraisons d’avions de combat à la Grèce et à la Croatie, et de diverses armes – dont de l’artillerie, des missiles et des navires – à l’Ukraine après l’invasion russe de février 2022 », peut-on lire dans ce rapport établi par cet institut international indépendant de recherche sur les conflits, les armes et leur contrôle ainsi que le désarmement.
Le succès de l’industrie de défense française repose donc en grande partie sur la montée en puissance des ventes du Rafale, notamment à la Grèce, à la Croatie, mais aussi à l’Inde. En 2020-2024, la plus grande part des exportations d’armes françaises a été de loin destinée à l’Inde (28%), soit deux fois plus que tous les autres États européens réunis (15%), suivi du Qatar (9,7% du total des exportations d’armes françaises) qui a importé 16 avions de combat venant de France. La Grèce occupe pour sa part la troisième place (8,3%).
La France a été le premier fournisseur d’armes de la Grèce, Paris représentant 64% des importations totales de ce pays, loin devant les États-Unis (19%) mais aussi du Brésil (53% des importations totales de ce pays, loin devant la Suède). Paris est en outre le deuxième fournisseur d’armes de l’Inde, avec 33% des importations totales de cet État, juste derrière la Russie (36%), mais aussi le deuxième fournisseur des Émirats arabes unis, de l’Indonésie et des États-Unis.
Les pays d’Amérique du Sud sont des partenaires majeurs de Paris, qui fournit 30% des importations d’armes sud-américaines, bien loin devant les États-Unis (12%) et le Royaume-Uni (11%). Le plus grand fournisseur d’armes des États d’Afrique de l’Ouest a en revanche été la Chine, mais la France, qui a particulièrement livré des armes au Sénégal, occupe la deuxième position (14%).
Les grands groupes qui composent l’industrie française
L’industrie française d’armement est composée de neuf de grands groupes industriels français ou franco-européens et de 4500 start-ups et petites et moyennes entreprises (PME-PMI), dont 1000 sont stratégiques, rappelle le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique dans un communiqué ce jeudi. Parmi ces grands groupes qui dominent le marché en France, figurent Thales, spécialisé dans les satellites dans le civil et qui propose des outils de communication militaire pour sa branche défense, mais aussi Naval Group, Nexter, Arquus, MBDA ou Dassault Aviation, qui a produit de nombreux avions de chasse comme le Mirage ou le Rafale. La compagnie transnationale Airbus est également un acteur majeur de l’armement en France via son département Defense and Space, spécialisé dans les avions de guerre et les drones.
A noter qu’outre les fortes ventes réalisées par le secteur à l’international, ces groupes sont des acteurs importants de la recherche et développement en France. En témoignent, les exemples de Safran qui figurait parmi les entreprises qui avaient déposé le plus de brevets à l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) en 2022, et Thalès dans le top 10, détaille le site Statista.com.
Combien de personnes travaillent dans le secteur ?
Au total, la base industrielle et technologique de défense (BITD) est à l’origine de 220.000 emplois directs et indirects, soit autant que le secteur de la production automobile « souvent très qualifiés et, par nature, peu délocalisables, répartis dans des centres de production et de recherche sur l’ensemble du territoire », précise encore le Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.