En tant que juriste ultramarin, j’ai vu des mots blesser autant que des lois. « Métropole » en est un. Ce terme, toujours en vigueur dans nos textes officiels, perpétue une vision hiérarchisée de la France, où l’outre-mer serait une périphérie secondaire. Pourtant, notre Constitution proclame une République « une et indivisible ».
Comment concilier cet idéal avec un vocabulaire qui, lui, distingue et exclut ? Il est temps de remplacer « métropole » par « Hexagone » – un changement symbolique, mais nécessaire, pour afficher l’égalité de tous les territoires.
Car « métropole » n’est pas neutre. Le Petit Robert le définit comme « le territoire d’un Etat par rapport à ses colonies ». En 2025, cette définition sonne comme un anachronisme douloureux. Employer ce mot pour désigner la France continentale, c’est prolonger une logique postcoloniale : celle d’une nation divisée entre un centre dominant et des territoires relégués au rang de marges. Les conséquences sont tangibles.
Selon l’Observatoire des inégalités, en 2023, 32 % des ultramarins déclarent avoir subi des discriminations, un chiffre qui grimpe à 33 % pour ceux résidant en « métropole ». Pire : une enquête du Défenseur des droits de 2019 révèle que 40 % des ultramarins estiment être traités défavorablement dans l’accès aux services publics ou à l’emploi. Des refus de scolarisation, des difficultés administratives systématiques… Un mot peut sembler léger, mais il légitime une hiérarchie inacceptable.
La France à la traîne
La France n’est pas pionnière en la matière. Le Royaume-Uni a abandonné « colonie » pour « territoire britannique d’outre-mer » dès 2002, supprimant toute connotation hiérarchique. L’Espagne a intégré les Canaries et les Baléares comme « communautés autonomes » à part entière, sans distinction de statut. Quant aux Pays-Bas, ils ont réorganisé leur structure étatique en 2010 : Aruba et Curaçao sont désormais des « pays autonomes », et Bonaire est une municipalité spéciale au sein du royaume des Pays-Bas, sans référence à une « mère patrie ».
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