Sous un ciel d’encre, sur la route d’un navire voguant en pleine Méditerranée, un violent orage éclate. Dans un vacarme assourdissant, le vaisseau tangue, bousculé par de puissants éclairs. A bord, deux aventuriers filent à pleine vitesse vers l’île d’Ogygie, où vit la nymphe Calypso, un lieu mythique du naufrage d’Ulysse conté par Homère.
Cette scène pourrait trouver sa place dans le prochain long-métrage de Christopher Nolan, L’Odyssée, dont les places déjà mises en vente dans 26 cinémas à travers le monde s’arrachent, un an avant sa sortie en salle. Mais cette scène est bien réelle. Elle se déroule en 1912, alors que le photographe suisse Fred Boissonnas (1858-1946) et le géographe français Victor Bérard (1864-1931) se lancent dans un impressionnant périple sur les traces du héros grec.
Helléniste de renom, Victor Bérard s’est mis en tête, au début du XXe siècle, de redonner leurs lettres de noblesse aux écrits d’Homère qui l’ont tant captivé. Sa théorie, vivement critiquée à l’époque, dépeint le poète grec comme le premier des géographes. Selon Bérard, Homère a réalisé un minutieux travail de documentation historique et géographique pour écrire l’Odyssée. Il se serait plongé dans les notes de marins phéniciens qui sillonnaient la Méditerranée, pour retranscrire le plus fidèlement possible les lieux du voyage d’Ulysse.
De Gibraltar aux îles ioniennes
Les écrits en question ayant disparu depuis des siècles, celui qui deviendra sénateur en 1920 décide de prouver ses allégations en suivant les traces du mari de Pénélope, de Gibraltar aux îles ioniennes. Fasciné par le travail de Victor Bérard et notamment par son ouvrage Les Phéniciens et l’Odyssée, publié en 1902, Fred Boissonnas propose ses services au géographe pour documenter le voyage. En juillet 1912, les deux hommes prennent le large pour une expédition qui durera plus de trois mois.
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