Mercredi 24 novembre 1915. Au lycée de jeunes filles d’Angoulême, la directrice, Marie-Cécilia Lafleur, passe dans toutes les classes pour une petite causerie. Son sujet ? L’emprunt de la « Victoire » lancé par le gouvernement. A chaque fois, elle explique la nécessité d’aider l’Etat à financer la guerre, les « conditions avantageuses » du taux de 5 % proposé, « le devoir financier de tous », « en particulier de chaque petite fille fortunée », comme le sont en général les élèves de l’établissement. Elle insiste : « Il ne faut pas conserver une pièce d’or ! », tout doit être investi dans l’emprunt. Pour marteler le message, le vendredi, le texte de la dictée est extrait du dernier discours du ministre Alexandre Ribot, le septuagénaire revenu aux finances en 1914 : « Que se lève cette armée de l’épargne française ; comme celle qui se bat, elle est l’armée de la France, ou plutôt, elle est la France elle-même. Souscrivez ! »
Cent dix ans plus tard, faut-il financer le réarmement de la France par un emprunt national ? « Ça fait partie de la boîte à outils dans laquelle on pourra piocher », a indiqué le 7 mars l’actuel patron de Bercy, Eric Lombard, lointain successeur d’Alexandre Ribot. La question d’aujourd’hui rappelle celle d’hier. Avec, à l’époque du premier conflit mondial, une réponse très claire. La France a alors misé massivement sur l’emprunt pour financer l’effort de guerre. « Au total, près des trois quarts des dépenses françaises ont été couvertes par l’emprunt », évalue Bertrand Blancheton, professeur de sciences économiques à l’université de Bordeaux.
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